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!... LE P RE DOLL Vous lui faites peur tourner autour. C'est pas une b te curieuse. Allez, faut faire un peu semblant de ne pas s'occuper d'elle. Tous s' loignent de Paulette, sauf Michel. Paulette, qui a toujours sa tranche de pain la main, se tourne vers Michel. PAULETTE Michel, je suis fatigu e. Michel soul ve Paulette, un peu difficilement, mais avec beaucoup de tendresse, et la d pose sur un lit voisin. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Un peu plus tard. Le p re est assis sur l'un des deux bancs qui longent la grande table, avec Paulette endormie sur les genoux. En face de lui, sur l'autre banc, Michel fait ses devoirs. Raymond, assis dans un fauteuil, bricole un morceau de bois. Le p re lit le journal d pli devant lui, et en appui sur une bouteille. Une lampe p trole, pos e sur la table, claire la sc ne. LE P RE DOLL La situation militaire s' tait brusquement aggrav e sur tous les fronts au cours de la journ e d'hier. Les ministres ont si g en permanence. RAYMOND DOLL Ah ! Tu vois ! LE P RE DOLL Ouais... Paulette, toujours dans les bras du p re Doll , ouvre un oeil et regarde Michel. Celui-ci fait le pitre en calant un crayon sous son nez, comme une moustache. Pendant que le p re reprend sa lecture, Paulette fait semblant de se rendormir en fermant les yeux. Michel pose le crayon, fait une petite boulette de papier et l'envoie en direction de Paulette. LE P RE DOLL A Bucarest, le Cabinet Tata...res, ou... . a, je m'en fous... La r sistance de nos troupes reste souple et efficace... L'archev que de Westminter (il prononce la fran aise : veste-munster) ordonne... Le p re s'arr te net de lire, car il vient de recevoir, dans la figure, le projectile destin Paulette. Il se frotte le nez et se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Fais ton probl me Par-dessus l' paule du p re, on peut lire le journal qu'il lit. Il s'agit de La Montagne . A la une du journal, le gros titre suivant : Reynaud d missionne. P tain lui succ de. Michel a repris son probl me, dont il fait profiter tout le monde. MICHEL DOLL Un r ti de veau de deux kilos cinq a co t cent quarante- deux francs. LE P RE DOLL Alerte sur Malte... Tiens !... MICHEL DOLL Combien co terait, ce prix, une escalope de veau de cent cinquante grammes. Berthe, qui descend l'escalier du grenier, un oreiller sous le bras, arrive derri re Michel et regarde le dos du journal, toujours appuy sur la bouteille. BERTHE DOLL Ah ! Dis donc ! Le p re regarde Paulette. LE P RE DOLL La r veille pas. Berthe rel ve la t te. BERTHE DOLL Le fils Gouard... LE P RE DOLL Le fils Gouard ? Le p re retourne le journal. Et sur la derni re page, on voit la photo d'un soldat, entre les rubriques Echos et Faits Divers . Raymond s'approche du journal RAYMOND DOLL T'es folle, ben pourquoi il serait sur le journal, le fils Gouard ? BERTHE DOLL Et pourquoi pas ? Si on l'a d cor ! RAYMOND DOLL D cor ? Le Francis ? Et bien, a me ferait bien mal. BERTHE DOLL En tous cas, il y est, lui, la guerre ! Le p re replie son journal et regarde sa fille d'un air visiblement nerv . LE P RE DOLL T'as pas parler du fils Gouard... Qu'est-ce que tu veux ? BERTHE DOLL Une couverture pour la gosse. LA M RE DOLL Prends-la... Ben prends-la Raymond. Raymond se pr cipite vers son lit et s'assoit dessus. Derri re la m re Doll , on aper oit Ren e, la fille cadette, qui essuie la vaisselle. RAYMOND DOLL Oh ! Pardon !... Moi, j'en ai pas de trop... Michel se tourne vers Berthe. MICHEL DOLL Prends la mienne... Raymond se l ve du lit. RAYMOND DOLL C'est pareil, on a le m me lit ! MICHEL DOLL Alors, j'ai le droit de la donner. Raymond regarde, d'un air penaud, sa soeur prendre la couverture. RAYMOND DOLL Oh !... Ben non alors ! Michel retourne vers ses devoirs. Le p re regarde Paulette endormie avec une certaine tendresse. LE P RE DOLL Pauvre gosse ! LA M RE DOLL A cet ge-l , a se rend pas compte. RAYMOND DOLL Dix-sept, il en est mort, rien qu'aujourd'hui sur le pont, et c t ... Ils n'ont m me plus de cercueil pour les enterrer. Le p re se tourne vers Georges. LE P RE DOLL Tu vois, c'est pas le moment de mourir, t'auras m me pas de bo te ! GEORGES DOLL Qu'est-ce qu'on en fait, des morts ? RAYMOND DOLL On fait un trou, et hop !... comme des chiens. Le p re se penche sur Paulette, qui semble toujours endormie sur ses genoux. LE P RE DOLL Chut !... C'est pas des choses raconter. LA M RE DOLL Mais elle dort... Le p re regarde tendrement Paulette, qu'il tend d licatement la m re. LE P RE DOLL Allez... Celle-ci la prend dans ses bras, et commence monter l'escalier, suivie par Ren e et Michel, qui sourit. Le p re ramasse son journal, se l ve, et se dirige vers Georges. LE P RE DOLL T'as vu ? Il s'assoit sur bord du lit. Georges semble souffrir tellement qu'il ne s'aper oit m me pas de sa pr sence. LE P RE DOLL Un side-car allemand tomb aux mains de nos troupes... Regarde. Il tend le journal Georges, qui soupire sans le regarder. LE P RE DOLL T'as mal ? GEORGES DOLL Ouais !... Oh ! Je sais pas. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Berthe pr pare le lit de Paulette, pendant que la m re la d shabille. Paulette, debout, se frotte les yeux. Michel regarde la sc ne. BERTHE DOLL Ce qu'elle est propre !... Ren e lui sent la chevelure REN E DOLL On dirait du parfum. Berthe la sent son tour. BERTHE DOLL Ben non, c'est qui sont propres. REN E DOLL Elle ne s'habituera jamais ici. La m re couche Paulette sur le lit. MICHEL DOLL Pourquoi qu'elle s'habituerait pas ? La m re borde le lit, aid e par Berthe. LA M RE DOLL Tu voudrais bien la garder, toi, hein ? Elle se tourne vers ses enfants. LA M RE DOLL Allez, hop ! Descendez ! Elle prend la lampe p trole et descend l'escalier, en poussant ses filles devant elle. Michel ferme la marche. Paulette se retourne dans son lit. PAULETTE J'ai peur... Je ne veux pas rester dans le noir. MICHEL DOLL T'auras qu' crier Michel. Je reviendrais. Il continue descendre. Paulette chuchote : PAULETTE Michel !... Michel tourne la t te avant de dispara tre compl tement dans l'escalier. MICHEL DOLL Plus fort... Paulette hausse la voix. PAULETTE Michel !... MICHEL DOLL Comme a ! Michel descend l'escalier. PAULETTE Michel !... Paulette a maintenant des larmes dans la voix. PAULETTE Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de son fr re, sur lequel le p re est toujours assis. On entend Paulette appeler du grenier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... Le p re se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Qu'est-ce qu'elle veut ? MICHEL DOLL Je sais pas, elle m'appelle. PAULETTE (voix off) Michel !... GEORGES DOLL Ah ! Faites-la taire, Bon Dieu ! LE P RE DOLL Allez, fais-la taire ! MICHEL DOLL Et mon probl me ? PAULETTE (voix off) Michel !... LE P RE DOLL Fais ce qu'on te dit. MICHEL DOLL Bon... je ferai pas mon probl me. Michel remonte l'escalier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Dans la p nombre, Michel s'approche du lit et se penche vers Paulette. PAULETTE J'y vois rien. MICHEL DOLL Ferme les yeux, compte jusqu' dix et tu verras... Combien j'ai de doigts ? Michel met sa main sous le nez de Paulette, qui s'est l g rement redress e, appuyant sa joue sur son poing ferm . PAULETTE Je te dis que je n'y vois rien. MICHEL DOLL Alors, tu sais pas compter. PAULETTE Trois ! MICHEL DOLL Tu vois bien qu'on y voit. Paulette tire la langue Michel. MICHEL DOLL Pourquoi tu me tires la langue ? PAULETTE Pour voir si tu y vois. La pi ce est brusquement clair e d'une vive lumi re, suivie du bruit d'un bombardement. Michel se l ve et se pr cipite vers la lucarne. MICHEL DOLL Oh ! Une fus e... Viens voir. Paulette se cache sous la couverture. PAULETTE J'ai peur, il faut se coucher par terre. Michel se tourne vers Paulette, toujours cach e sous sa couverture. MICHEL DOLL Tu as peur quand il fait noir, et puis tu as peur quand a claire ! Paulette sort la t te de sa couverture. PAULETTE a claire encore ? MICHEL DOLL Non. Une vive lumi re sort de la lucarne. Paulette se recache. PAULETTE Menteur !... Michel ferme le volet int rieur de la lucarne. MICHEL DOLL Bon... Voil ... La pi ce est tr s sombre tout coup. Michel se dirige vers le lit et soul ve la couverture, d couvrant le visage apeur de Paulette. MICHEL DOLL C'est fini, je te jure. Paulette se redresse l g rement, et s'appuie la joue sur la main. PAULETTE Je veux pas rester ici. MICHEL DOLL T'es bien forc e. O tu veux aller ? PAULETTE Je veux retrouver ma maman et mon papa... sur le pont. MICHEL DOLL Ils y sont plus sur le pont. PAULETTE Pourquoi ?.. O ils sont ? MICHEL DOLL Dans un trou. PAULETTE Dans un trou ? Michel semble g n . MICHEL DOLL Oui. PAULETTE Et hop ! Comme des chiens ? Michel semble surpris : il ne savait pas que Paulette, qu'il croyait endormie, avait entendu les r flexions stupides de son fr re. MICHEL DOLL Ben... oui... Paulette s'allonge sur son lit. PAULETTE A cause de la pluie... Dans un trou... Pour pas qu'ils soient mouill s ? MICHEL DOLL a doit tre pour a... PAULETTE Mais alors, mon chien... Michel... Il va tre mouill . Paulette ferme les yeux et s'endort. MICHEL DOLL Tu dors ?... Tu n'as plus peur ?... Je peux m'en aller ?... Il se l ve lentement et se dirige vers l'escalier, qu'il descend sur la pointe des pieds. FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Nous sommes au milieu de la nuit. Toute la famille Doll dort... et ronfle ! Michel et Raymond dorment dans le m me lit. Un papillon vole dans la pi ce. On suit son ombre projet e sur le mur par la lampe qui est rest e allum e sur la table de nuit de Georges qui, lui, ne dort pas. Le papillon, attir par la lumi re, finit par tomber dans le verre de la lampe p trole, o il meurt instantan ment. On entend Paulette crier : elle a certainement fait un cauchemar. Georges sursaute, et se tourne vers le lit de ses fr res. GEORGES DOLL Michel !... Michel, je te dis !... PAULETTE (pleurnichant en voix off) Papa !... Maman !... Maman !... Maman !... Comme Michel ne semble entendre, ni son fr re, ni Paulette, Georges attrape un paquet de petits beurres pos au milieu des m dicaments sur la table de nuit et le lance en direction de Michel. Michel re oit le paquet sur la t te et se r veille en sursaut en se frottant les yeux. Il semble un peu affol . Il porte une longue chemise de nuit rapi c e. MICHEL DOLL Qu'est-ce qu'il y a ? GEORGES DOLL Tu l'entend pas ? MICHEL DOLL Qui a ? GEORGES DOLL (d'une voix furieuse) Je veux pas qu'elle crie ! MICHEL DOLL Gueule pas comme a. Il se l ve, prend la lampe sur la table de nuit de son fr re et monte l'escalier. On entend Paulette g mir. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Michel s'assied sur le bord du lit, pr s de la t te de Paulette. Il lui caresse le front. MICHEL DOLL Pourquoi que tu cries ? T'as peur ? Paulette semble un peu absente. Elle n'est visiblement qu' moiti r veill e. PAULETTE Non. MICHEL DOLL Alors, faut pas crier comme a. PAULETTE Je crie pas. Paulette ferme les yeux. Michel recouvre soigneusement Paulette, qui s'est rendormie, le visage serein. Puis il redescend sans bruit. FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de Georges et repose la lampe sur la table de nuit. MICHEL DOLL a y est, je lui ai expliqu . Elle dort. GEORGES DOLL Et moi, je dors pas. MICHEL DOLL Si tu veux, moi non plus, je dormirai pas... Tu veux que je te lise le journal ? Georges hoche peine la t te. Michel rapproche une chaise du lit, prend le journal que le p re a laiss sur le lit, et demande : MICHEL DOLL Qu'est-ce que je te lis ?... La guerre ?... GEORGES DOLL Ah non ! Pas la guerre ! Le feuilleton. MICHEL DOLL Il tait encore trop t t pour donner le signal du d part. N anmoins, ceux des compagnons qui devaient faire la route cheval... Georges l ve la main. GEORGES DOLL Parle pas de cheval. MICHEL DOLL Bon, je te lis apr s... Et pourtant, toutes les pr cautions avaient t prises l'ext rieur de l'ha... l'ha...cienda... Les deux fr res font une petite moue, car ni l'un, ni l'autre, ne semble comprendre ce mot tranger. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR JOUR Le lendemain matin. Michel est assis table et boit son bol de lait. En face de lui, Berthe coupe des morceaux de pain et les d pose dans un bol. Derri re Michel, la m re est en train de refaire son lit. Le coq chante et Georges g mit faiblement dans son lit. Michel se l ve et contourne la table. MICHEL DOLL Paulette !... Il s'essuie la bouche sur un torchon pos sur la table et se dirige vers l'escalier, devant lequel il s'arr te. Il l ve la t te. MICHEL DOLL T'es pas encore lev e ? PAULETTE (voix off provenant du grenier) Je m'habille. MICHEL DOLL D p che-toi. LA M RE DOLL (voix off du fond de la pi ce) Criez pas si fort.. Vous voyez bien qu'il y a un malade. Paulette descend l'escalier en enfilant sa robe, et accompagn e du chien. Arriv e en bas, elle se dirige vers le lit de Georges, qui toussote. PAULETTE Oh !... Qu'est-ce qu'il a, le monsieur ? Georges caresse doucement la joue de Paulette qui continue s'habiller. LA M RE DOLL (voix off) Il a re u un coup de pied de cheval. Paulette pointe le doigt vers le crucifix accroch au mur au- dessus du lit. PAULETTE Qu'est-ce que c'est, a ? LA M RE DOLL (voix off) C'est le Bon Dieu. La m re semble choqu e par la question de la fillette et s'approche d'elle. LA M RE DOLL T'en as jamais vu ? PAULETTE Si, mais je savais pas ce que c' tait. La m re s'approche de Paulette et la pousse vers la table. LA M RE DOLL Viens boire ton lait. Michel, qui s'est rassis table devant son bol, sourit Paulette. MICHEL DOLL Bonjour. La m re assoit Paulette c t de Berthe, qui verse du lait dans le bol de la fillette, qui sourit Michel. LA M RE DOLL Elle sait pas ce que c'est que le Bon Dieu. Georges se redresse de son oreiller, et dit, d'une voix peu AIMABLE : GEORGES DOLL J'ai soif. La m re est en train de coiffer Paulette. Berthe regarde sa m re. BERTHE DOLL C'est se demander d'o elle sort. (A PAULETTE) D'o tu viens ? Michel baisse son bol pour r pondre. MICHEL DOLL C'est une parisienne. LA M RE DOLL Pauvre gosse ! BERTHE DOLL Faudra la faire baptiser. LA M RE DOLL Ben, en attendant, faut la d clarer au maire.. Ils nous accuseraient bien de l'avoir vol e. Elle verse du vin dans un verre. BERTHE DOLL C'est pas au maire qu'il faut aller. C'est aux gendarmes. LA M RE DOLL Mairerie ou gendarmerie, y faut leur dire. Elle repose la bouteille sur la table et se dirige vers le lit de Georges. MICHEL DOLL J'irai, moi, aux gendarmes. LA M RE DOLL (voix off) Toi, occupe-toi de tes vaches. Berthe finit de coiffer Paulette, qui sourit Michel. Michel se l ve et se tourne vers Paulette. MICHEL DOLL Tu viens avec moi ? Paulette r cup re les morceaux de pain dans son bol et les mange. PAULETTE Attends, j'ai pas fini. Michel ouvre la porte et sort. Paulette continue manger tranquillement. Raymond entre, poussant un vieux v lo, qu'il d pose contre le mur. Il a, sur la t te, un chapeau feutre gris. Il tient quelque chose cach derri re son dos. Il s'approche du lit de Georges. RAYMOND DOLL Regarde !... Georges se redresse sur son lit. RAYMOND DOLL Regarde ce qu'ils l chent sur la route, les Parisiens. Il enl ve le feutre, et, la place, pose sur sa t te un l gant chapeau noir bords roul s, celui qu'il cachait derri re son dos. Il fait le pitre. Georges rit malgr sa douleur, surtout lorsque son fr re met le chapeau de travers, en singeant Napol on, une main gliss e dans l' chancrure de sa chemise. GEORGES DOLL Me fais pas rire... Me fait pas rire... a me fait mal. Raymond met le chapeau sur la t te de Georges, qui ne peut s'emp cher de continuer rire, malgr la douleur qui lui tiraille le ventre. RAYMOND DOLL Tiens !... Comme a, tu le verras pas. GEORGES DOLL Me fait pas rire... Oh ! Bon Dieu, j'ai mal ! Il se recouche. La m re s'approche du lit. LA M RE DOLL Et le docteur ? RAYMOND DOLL Ah oui, le docteur. Mobilis l'h pital. C'est la cause au bombardements. GEORGES DOLL Ce que j'ai besoin, c'est pas le docteur, c'est les pompes fun bres. RAYMOND DOLL T'en fais pas... Y a toujours le vieux corbillard... En le reclouant un peu. Les deux fr res rient ensemble, et Georges plus fort que Raymond. FONDU ENCHAIN CHEMIN LONGEANT RUISSEAU - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers l'endroit o elle a, la veille, d pos le cadavre de son chien, une petite binette la main. NOTE La sc ne suivante, pr sente dans la toute premi re version originale du film, a t coup e dans toutes les copies pr sent es ult rieurement. Peut- tre a-t-on estim que de montrer Paulette en train de faire danser le cadavre de son chien tait un peu trop macabre. Paulette tient son chien par les pattes de devant, pour le faire tenir debout sur les pattes arri re. La binette est pos e c t d'elle. PAULETTE Fais le beau ! Elle essaie de le faire danser, puis, tout coup, elle le laisse retomber par terre. Elle soul ve sa robe et regarde un insecte qui grimpe sur sa jambe. L'insecte s'envole et va se poser sur une fleur de liseron. Elle veut cueillir la fleur, mais tirant un peu trop fort, c'est toute une guirlande de liseron qu'elle arrache. Elle se tourne vers le chien, puis, apr s un instant d'h sitation, elle lui entoure le cou avec la guirlande de liseron. Elle le soul ve de nouveau par les pattes de devant. PAULETTE Fais le beau ! Danse ! Elle danse avec le chien en chantonnant. Puis, lass par ce jeu, elle s'arr te, repose le chien, prend la binette et commence creuser. NOTE Retour la version normale du film, telle qu'elle est pr sent e dans toutes les copies existantes. Paulette s'agenouille pr s du cadavre de son chien, pos sur l'herbe. Elle pose la binette c te du chien et le caresse d licatement. Puis elle se caresse la joue, comme elle l'avait fait apr s avoir caress la joue de sa m re d c d e. Elle d place l g rement le chien, prend la binette et commence creuser. Tout coup, elle tourne la t te, car elle vient d'entendre un bruit de sonnette. Le cur du village arrive sur sa bicyclette, et se dirige vers la rivi re, et vers Paulette. Paulette pose sa binette et ramasse son chien. Le cur descend de v lo, terminant pied, le v lo la main, le petit raidillon qui descend vers le ruisseau. Paulette met le chien derri re son dos et le maintient en place avec ses deux mains. Le cur porte son v lo pour traverser le ruisseau. Puis, arriv sur l'autre rive, il le repose et s'approche de Paulette. LE CUR Je ne te connais pas, moi ?... Tu n'es pas d'ici ? Paulette recule de fa on se plaquer le dos contre un arbre, tenant toujours, deux mains, le chien cach derri re elle. Elle regarde le cur d'un air inquiet et m fiant. Ce dernier sourit, et se penche vers Paulette, appuy sur son v lo. LE CUR Tu as perdu ta langue ? Paulette fait non de la t te. LE CUR O habites-tu ? PAULETTE Chez Monsieur Doll . Papa est mort, et maman aussi. LE CUR Pauvre enfant... Leur as-tu dis une pri re, au moins ? Paulette fait non de la t te. LE CUR Tu ne veux pas en dire une ? PAULETTE Je sais pas quoi dire. LE CUR Il faut apprendre... Mets tes mains comme ceci. Le cur joint les mains. Paulette regarde les mains du cur , mais ne bouge pas. LE CUR Non ?... Alors, r p te : Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. PAULETTE Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. Le cur fait le signe de la croix. LE CUR Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Paulette r p te la phrase du cur , mais sans se signer. PAULETTE Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. LE CUR Fais comme moi. Le cur refait un signe de croix. LE CUR Tu ne veux pas ? Michel t'apprendra... Il apprend bien son cat chisme, Michel. Au nom de Michel, Paulette esquisse un sourire. Le cur s' loigne en poussant sa bicyclette. Paulette le regarde partir, tenant toujours son chien cach derri re son dos. Lorsqu'elle estime que la voix est libre, elle se d gage de l'arbre. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel s'avance travers bois, mais il ne voit pas Paulette. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette ne lui r pond pas. Elle prend son chien dans ses bras, ramasse sa binette, et s' loigne du ruisseau. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel continue chercher dans la for t. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette traverse le ruisseau et marche le long de la berge. Michel continue chercher. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers un vieux moulin eau d saffect , mais dont la b tisse semble encore solide. Elle entre l'int rieur du moulin. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette entre dans le moulin. Au fond du moulin, la grande roue, totalement immobile. Paulette cherche un endroit pour enterrer son chien. CHEMIN LONGEANT RIVI RE - EXT RIEUR JOUR Michel se dirige vers le moulin. On aper oit une autre roue, elle aussi immobile, l'ext rieur du moulin. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette pose son chien et commence creuser le sol en terre battue. Derri re elle, Michel entre dans le moulin. MICHEL DOLL Paulette !... Michel s'approche de Paulette. MICHEL DOLL Ah ! Dis... Qu'est-ce que tu fais l ? PAULETTE a ne te regarde pas. MICHEL DOLL Je te cherche partout... Tu fais un trou ? Elle ne lui r pond pas et continue creuser. MICHEL DOLL Ah !... C'est pour ton chien. Donne... Il cherche lui prendre la binette des mains, mais elle r siste un peu. MICHEL DOLL Donne... c'est trop dur... Elle finit par c der, et Michel se met creuser un peu plus nergiquement que Paulette. Apr s quelques coups de binette, il s'arr te de creuser et regarde Paulette. MICHEL DOLL a, c'est une id e... On va faire un beau petit cimeti re. PAULETTE Qu'est-ce que c'est qu'un cimeti re ? MICHEL DOLL C'est l qu'on met les morts pour qu'ils soient tous ensemble. PAULETTE Pourquoi on les met ensemble ? MICHEL DOLL Pour pas qu'ils s'emb tent. PAULETTE Mais alors, mon chien, il va s'emb ter, tout seul ? Michel r fl chit une seconde et hausse les paules. MICHEL DOLL Ben... oui... PAULETTE Faudra lui en trouver un autre ! MICHEL DOLL Un autre chien... a, c'est difficile. Un bruissement d'ailes fait lever la t te de Michel. Paulette regarde dans la direction o regarde Michel. Dans la charpente du moulin, un hibou, pos sur une poutre, semble observer les enfants. PAULETTE Qu'est-ce que c'est ? MICHEL DOLL C'est Monsieur le Maire. PAULETTE Pourquoi ? MICHEL DOLL C'est son nom... c'est un hibou. PAULETTE C'est m chant ? MICHEL DOLL Non, a roupille tout le temps... Tu vas voir. Michel se dirige vers une chelle qui permet d'acc der au hibou. PAULETTE Faut pas le tuer. MICHEL DOLL Penses-tu ! a serait m me pas la peine, a vit cent ans. Paulette fait une petite moue, semblant incapable de r aliser ce que repr sente cent ans. PAULETTE Cent ans !... Michel grimpe vers le hibou. Paulette d pose son chien dans le trou creus par Michel, puis commence le recouvrir de terre. Tout en travaillant, elle r cite la pri re que lui a apprise le cur . A chaque fois qu'elle dit Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit , elle fait un rapide signe de croix. MICHEL DOLL Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Michel atteint le nid du hibou sur la poutre. On entend, de loin, Paulette qui continue psalmodier ses Que le Bon Dieu... etc. MICHEL DOLL Toi, ne bouge pas... Michel glisse la main derri re le hibou, dans son nid. Il sort une taupe morte qu'il tient par la queue. MICHEL DOLL Je t'en donnerai une autre. Michel redescend vers Paulette, en tenant la taupe par la queue. Il a maintenant atteint le bas de l' chelle. Il s'approche de Paulette, tenant toujours la taupe par la queue. Paulette continue psalmodier ses pri res tout en comblant la tombe de son chien. MICHEL DOLL J'ai une taupe !... Une belle !... Paulette se redresse et regarde la taupe. PAULETTE Il en faudra d'autres. MICHEL DOLL C'est pas ce qui manque, les taupes. La voix de Paulette se fait presque geignante lorsqu'elle dit : PAULETTE Des chats... Michel, lui, num re, sur un timbre de voix nettement plus pos : MICHEL DOLL Des h rissons, des l zards... Paulette n'est visiblement plus dans son tat normal. PAULETTE Des chevaux, des vaches... MICHEL DOLL Des serpents sonnette. PAULETTE Des lions. MICHEL DOLL Des tigres. Paulette a presque des sanglots dans la voix lorsqu'elle dit : PAULETTE Des gens !... Paulette a le souffle un peu court. Michel a l'air un peu surpris par les derniers mots de Paulette. MICHEL DOLL Si tu veux... Et puis on leur mettra des croix. Michel reprend la binette, et creuse un autre trou pour la taupe. Paulette s'est accroupie pour le regarder creuser. PAULETTE Pourquoi des croix ? MICHEL DOLL Ben dis donc !... Qu'est-ce qu'ils t'ont appris, tes parents ?... Tu vas voir. Il pose la binette, prend un morceau de bois, qu'il casse en deux, et en fait une croix, qu'il lie avec du fil de fer. MICHEL DOLL Regarde... Tiens... Regarde... L ... C'est a, une croix. Il plante la croix sur la tombe du chien. PAULETTE C'est le Bon Dieu. MICHEL DOLL Ben oui... C'est le Bon Dieu. PAULETTE Attends. Elle sort un collier de sa poche. MICHEL DOLL Il est joli, ton collier. PAULETTE Il est cass . Elle entoure la croix de son collier. Michel semble ravi. MICHEL DOLL C'est mieux. Il arrange le collier autour de la croix. PAULETTE Oui... mais il y en a une plus belle au-dessus de ton fr re. MICHEL DOLL Tu la trouves belle, toi ? Paulette fait oui de la t te. MICHEL DOLL Je t'en ferai des encore mieux, moi. Avec des clous et un marteau. D'un grand geste des bras, il d signe toute la pi ce. MICHEL DOLL Et on en foutra partout ! FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR JOUR Michel est assis par terre les jambes cart es. Ils cloue deux lattes de bois ensemble en forme de croix.(...TRUNCATED)
escalope
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!... LE P RE DOLL Vous lui faites peur tourner autour. C'est pas une b te curieuse. Allez, faut faire un peu semblant de ne pas s'occuper d'elle. Tous s' loignent de Paulette, sauf Michel. Paulette, qui a toujours sa tranche de pain la main, se tourne vers Michel. PAULETTE Michel, je suis fatigu e. Michel soul ve Paulette, un peu difficilement, mais avec beaucoup de tendresse, et la d pose sur un lit voisin. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Un peu plus tard. Le p re est assis sur l'un des deux bancs qui longent la grande table, avec Paulette endormie sur les genoux. En face de lui, sur l'autre banc, Michel fait ses devoirs. Raymond, assis dans un fauteuil, bricole un morceau de bois. Le p re lit le journal d pli devant lui, et en appui sur une bouteille. Une lampe p trole, pos e sur la table, claire la sc ne. LE P RE DOLL La situation militaire s' tait brusquement aggrav e sur tous les fronts au cours de la journ e d'hier. Les ministres ont si g en permanence. RAYMOND DOLL Ah ! Tu vois ! LE P RE DOLL Ouais... Paulette, toujours dans les bras du p re Doll , ouvre un oeil et regarde Michel. Celui-ci fait le pitre en calant un crayon sous son nez, comme une moustache. Pendant que le p re reprend sa lecture, Paulette fait semblant de se rendormir en fermant les yeux. Michel pose le crayon, fait une petite boulette de papier et l'envoie en direction de Paulette. LE P RE DOLL A Bucarest, le Cabinet Tata...res, ou... . a, je m'en fous... La r sistance de nos troupes reste souple et efficace... L'archev que de Westminter (il prononce la fran aise : veste-munster) ordonne... Le p re s'arr te net de lire, car il vient de recevoir, dans la figure, le projectile destin Paulette. Il se frotte le nez et se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Fais ton probl me Par-dessus l' paule du p re, on peut lire le journal qu'il lit. Il s'agit de La Montagne . A la une du journal, le gros titre suivant : Reynaud d missionne. P tain lui succ de. Michel a repris son probl me, dont il fait profiter tout le monde. MICHEL DOLL Un r ti de veau de deux kilos cinq a co t cent quarante- deux francs. LE P RE DOLL Alerte sur Malte... Tiens !... MICHEL DOLL Combien co terait, ce prix, une escalope de veau de cent cinquante grammes. Berthe, qui descend l'escalier du grenier, un oreiller sous le bras, arrive derri re Michel et regarde le dos du journal, toujours appuy sur la bouteille. BERTHE DOLL Ah ! Dis donc ! Le p re regarde Paulette. LE P RE DOLL La r veille pas. Berthe rel ve la t te. BERTHE DOLL Le fils Gouard... LE P RE DOLL Le fils Gouard ? Le p re retourne le journal. Et sur la derni re page, on voit la photo d'un soldat, entre les rubriques Echos et Faits Divers . Raymond s'approche du journal RAYMOND DOLL T'es folle, ben pourquoi il serait sur le journal, le fils Gouard ? BERTHE DOLL Et pourquoi pas ? Si on l'a d cor ! RAYMOND DOLL D cor ? Le Francis ? Et bien, a me ferait bien mal. BERTHE DOLL En tous cas, il y est, lui, la guerre ! Le p re replie son journal et regarde sa fille d'un air visiblement nerv . LE P RE DOLL T'as pas parler du fils Gouard... Qu'est-ce que tu veux ? BERTHE DOLL Une couverture pour la gosse. LA M RE DOLL Prends-la... Ben prends-la Raymond. Raymond se pr cipite vers son lit et s'assoit dessus. Derri re la m re Doll , on aper oit Ren e, la fille cadette, qui essuie la vaisselle. RAYMOND DOLL Oh ! Pardon !... Moi, j'en ai pas de trop... Michel se tourne vers Berthe. MICHEL DOLL Prends la mienne... Raymond se l ve du lit. RAYMOND DOLL C'est pareil, on a le m me lit ! MICHEL DOLL Alors, j'ai le droit de la donner. Raymond regarde, d'un air penaud, sa soeur prendre la couverture. RAYMOND DOLL Oh !... Ben non alors ! Michel retourne vers ses devoirs. Le p re regarde Paulette endormie avec une certaine tendresse. LE P RE DOLL Pauvre gosse ! LA M RE DOLL A cet ge-l , a se rend pas compte. RAYMOND DOLL Dix-sept, il en est mort, rien qu'aujourd'hui sur le pont, et c t ... Ils n'ont m me plus de cercueil pour les enterrer. Le p re se tourne vers Georges. LE P RE DOLL Tu vois, c'est pas le moment de mourir, t'auras m me pas de bo te ! GEORGES DOLL Qu'est-ce qu'on en fait, des morts ? RAYMOND DOLL On fait un trou, et hop !... comme des chiens. Le p re se penche sur Paulette, qui semble toujours endormie sur ses genoux. LE P RE DOLL Chut !... C'est pas des choses raconter. LA M RE DOLL Mais elle dort... Le p re regarde tendrement Paulette, qu'il tend d licatement la m re. LE P RE DOLL Allez... Celle-ci la prend dans ses bras, et commence monter l'escalier, suivie par Ren e et Michel, qui sourit. Le p re ramasse son journal, se l ve, et se dirige vers Georges. LE P RE DOLL T'as vu ? Il s'assoit sur bord du lit. Georges semble souffrir tellement qu'il ne s'aper oit m me pas de sa pr sence. LE P RE DOLL Un side-car allemand tomb aux mains de nos troupes... Regarde. Il tend le journal Georges, qui soupire sans le regarder. LE P RE DOLL T'as mal ? GEORGES DOLL Ouais !... Oh ! Je sais pas. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Berthe pr pare le lit de Paulette, pendant que la m re la d shabille. Paulette, debout, se frotte les yeux. Michel regarde la sc ne. BERTHE DOLL Ce qu'elle est propre !... Ren e lui sent la chevelure REN E DOLL On dirait du parfum. Berthe la sent son tour. BERTHE DOLL Ben non, c'est qui sont propres. REN E DOLL Elle ne s'habituera jamais ici. La m re couche Paulette sur le lit. MICHEL DOLL Pourquoi qu'elle s'habituerait pas ? La m re borde le lit, aid e par Berthe. LA M RE DOLL Tu voudrais bien la garder, toi, hein ? Elle se tourne vers ses enfants. LA M RE DOLL Allez, hop ! Descendez ! Elle prend la lampe p trole et descend l'escalier, en poussant ses filles devant elle. Michel ferme la marche. Paulette se retourne dans son lit. PAULETTE J'ai peur... Je ne veux pas rester dans le noir. MICHEL DOLL T'auras qu' crier Michel. Je reviendrais. Il continue descendre. Paulette chuchote : PAULETTE Michel !... Michel tourne la t te avant de dispara tre compl tement dans l'escalier. MICHEL DOLL Plus fort... Paulette hausse la voix. PAULETTE Michel !... MICHEL DOLL Comme a ! Michel descend l'escalier. PAULETTE Michel !... Paulette a maintenant des larmes dans la voix. PAULETTE Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de son fr re, sur lequel le p re est toujours assis. On entend Paulette appeler du grenier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... Le p re se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Qu'est-ce qu'elle veut ? MICHEL DOLL Je sais pas, elle m'appelle. PAULETTE (voix off) Michel !... GEORGES DOLL Ah ! Faites-la taire, Bon Dieu ! LE P RE DOLL Allez, fais-la taire ! MICHEL DOLL Et mon probl me ? PAULETTE (voix off) Michel !... LE P RE DOLL Fais ce qu'on te dit. MICHEL DOLL Bon... je ferai pas mon probl me. Michel remonte l'escalier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Dans la p nombre, Michel s'approche du lit et se penche vers Paulette. PAULETTE J'y vois rien. MICHEL DOLL Ferme les yeux, compte jusqu' dix et tu verras... Combien j'ai de doigts ? Michel met sa main sous le nez de Paulette, qui s'est l g rement redress e, appuyant sa joue sur son poing ferm . PAULETTE Je te dis que je n'y vois rien. MICHEL DOLL Alors, tu sais pas compter. PAULETTE Trois ! MICHEL DOLL Tu vois bien qu'on y voit. Paulette tire la langue Michel. MICHEL DOLL Pourquoi tu me tires la langue ? PAULETTE Pour voir si tu y vois. La pi ce est brusquement clair e d'une vive lumi re, suivie du bruit d'un bombardement. Michel se l ve et se pr cipite vers la lucarne. MICHEL DOLL Oh ! Une fus e... Viens voir. Paulette se cache sous la couverture. PAULETTE J'ai peur, il faut se coucher par terre. Michel se tourne vers Paulette, toujours cach e sous sa couverture. MICHEL DOLL Tu as peur quand il fait noir, et puis tu as peur quand a claire ! Paulette sort la t te de sa couverture. PAULETTE a claire encore ? MICHEL DOLL Non. Une vive lumi re sort de la lucarne. Paulette se recache. PAULETTE Menteur !... Michel ferme le volet int rieur de la lucarne. MICHEL DOLL Bon... Voil ... La pi ce est tr s sombre tout coup. Michel se dirige vers le lit et soul ve la couverture, d couvrant le visage apeur de Paulette. MICHEL DOLL C'est fini, je te jure. Paulette se redresse l g rement, et s'appuie la joue sur la main. PAULETTE Je veux pas rester ici. MICHEL DOLL T'es bien forc e. O tu veux aller ? PAULETTE Je veux retrouver ma maman et mon papa... sur le pont. MICHEL DOLL Ils y sont plus sur le pont. PAULETTE Pourquoi ?.. O ils sont ? MICHEL DOLL Dans un trou. PAULETTE Dans un trou ? Michel semble g n . MICHEL DOLL Oui. PAULETTE Et hop ! Comme des chiens ? Michel semble surpris : il ne savait pas que Paulette, qu'il croyait endormie, avait entendu les r flexions stupides de son fr re. MICHEL DOLL Ben... oui... Paulette s'allonge sur son lit. PAULETTE A cause de la pluie... Dans un trou... Pour pas qu'ils soient mouill s ? MICHEL DOLL a doit tre pour a... PAULETTE Mais alors, mon chien... Michel... Il va tre mouill . Paulette ferme les yeux et s'endort. MICHEL DOLL Tu dors ?... Tu n'as plus peur ?... Je peux m'en aller ?... Il se l ve lentement et se dirige vers l'escalier, qu'il descend sur la pointe des pieds. FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Nous sommes au milieu de la nuit. Toute la famille Doll dort... et ronfle ! Michel et Raymond dorment dans le m me lit. Un papillon vole dans la pi ce. On suit son ombre projet e sur le mur par la lampe qui est rest e allum e sur la table de nuit de Georges qui, lui, ne dort pas. Le papillon, attir par la lumi re, finit par tomber dans le verre de la lampe p trole, o il meurt instantan ment. On entend Paulette crier : elle a certainement fait un cauchemar. Georges sursaute, et se tourne vers le lit de ses fr res. GEORGES DOLL Michel !... Michel, je te dis !... PAULETTE (pleurnichant en voix off) Papa !... Maman !... Maman !... Maman !... Comme Michel ne semble entendre, ni son fr re, ni Paulette, Georges attrape un paquet de petits beurres pos au milieu des m dicaments sur la table de nuit et le lance en direction de Michel. Michel re oit le paquet sur la t te et se r veille en sursaut en se frottant les yeux. Il semble un peu affol . Il porte une longue chemise de nuit rapi c e. MICHEL DOLL Qu'est-ce qu'il y a ? GEORGES DOLL Tu l'entend pas ? MICHEL DOLL Qui a ? GEORGES DOLL (d'une voix furieuse) Je veux pas qu'elle crie ! MICHEL DOLL Gueule pas comme a. Il se l ve, prend la lampe sur la table de nuit de son fr re et monte l'escalier. On entend Paulette g mir. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Michel s'assied sur le bord du lit, pr s de la t te de Paulette. Il lui caresse le front. MICHEL DOLL Pourquoi que tu cries ? T'as peur ? Paulette semble un peu absente. Elle n'est visiblement qu' moiti r veill e. PAULETTE Non. MICHEL DOLL Alors, faut pas crier comme a. PAULETTE Je crie pas. Paulette ferme les yeux. Michel recouvre soigneusement Paulette, qui s'est rendormie, le visage serein. Puis il redescend sans bruit. FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de Georges et repose la lampe sur la table de nuit. MICHEL DOLL a y est, je lui ai expliqu . Elle dort. GEORGES DOLL Et moi, je dors pas. MICHEL DOLL Si tu veux, moi non plus, je dormirai pas... Tu veux que je te lise le journal ? Georges hoche peine la t te. Michel rapproche une chaise du lit, prend le journal que le p re a laiss sur le lit, et demande : MICHEL DOLL Qu'est-ce que je te lis ?... La guerre ?... GEORGES DOLL Ah non ! Pas la guerre ! Le feuilleton. MICHEL DOLL Il tait encore trop t t pour donner le signal du d part. N anmoins, ceux des compagnons qui devaient faire la route cheval... Georges l ve la main. GEORGES DOLL Parle pas de cheval. MICHEL DOLL Bon, je te lis apr s... Et pourtant, toutes les pr cautions avaient t prises l'ext rieur de l'ha... l'ha...cienda... Les deux fr res font une petite moue, car ni l'un, ni l'autre, ne semble comprendre ce mot tranger. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR JOUR Le lendemain matin. Michel est assis table et boit son bol de lait. En face de lui, Berthe coupe des morceaux de pain et les d pose dans un bol. Derri re Michel, la m re est en train de refaire son lit. Le coq chante et Georges g mit faiblement dans son lit. Michel se l ve et contourne la table. MICHEL DOLL Paulette !... Il s'essuie la bouche sur un torchon pos sur la table et se dirige vers l'escalier, devant lequel il s'arr te. Il l ve la t te. MICHEL DOLL T'es pas encore lev e ? PAULETTE (voix off provenant du grenier) Je m'habille. MICHEL DOLL D p che-toi. LA M RE DOLL (voix off du fond de la pi ce) Criez pas si fort.. Vous voyez bien qu'il y a un malade. Paulette descend l'escalier en enfilant sa robe, et accompagn e du chien. Arriv e en bas, elle se dirige vers le lit de Georges, qui toussote. PAULETTE Oh !... Qu'est-ce qu'il a, le monsieur ? Georges caresse doucement la joue de Paulette qui continue s'habiller. LA M RE DOLL (voix off) Il a re u un coup de pied de cheval. Paulette pointe le doigt vers le crucifix accroch au mur au- dessus du lit. PAULETTE Qu'est-ce que c'est, a ? LA M RE DOLL (voix off) C'est le Bon Dieu. La m re semble choqu e par la question de la fillette et s'approche d'elle. LA M RE DOLL T'en as jamais vu ? PAULETTE Si, mais je savais pas ce que c' tait. La m re s'approche de Paulette et la pousse vers la table. LA M RE DOLL Viens boire ton lait. Michel, qui s'est rassis table devant son bol, sourit Paulette. MICHEL DOLL Bonjour. La m re assoit Paulette c t de Berthe, qui verse du lait dans le bol de la fillette, qui sourit Michel. LA M RE DOLL Elle sait pas ce que c'est que le Bon Dieu. Georges se redresse de son oreiller, et dit, d'une voix peu AIMABLE : GEORGES DOLL J'ai soif. La m re est en train de coiffer Paulette. Berthe regarde sa m re. BERTHE DOLL C'est se demander d'o elle sort. (A PAULETTE) D'o tu viens ? Michel baisse son bol pour r pondre. MICHEL DOLL C'est une parisienne. LA M RE DOLL Pauvre gosse ! BERTHE DOLL Faudra la faire baptiser. LA M RE DOLL Ben, en attendant, faut la d clarer au maire.. Ils nous accuseraient bien de l'avoir vol e. Elle verse du vin dans un verre. BERTHE DOLL C'est pas au maire qu'il faut aller. C'est aux gendarmes. LA M RE DOLL Mairerie ou gendarmerie, y faut leur dire. Elle repose la bouteille sur la table et se dirige vers le lit de Georges. MICHEL DOLL J'irai, moi, aux gendarmes. LA M RE DOLL (voix off) Toi, occupe-toi de tes vaches. Berthe finit de coiffer Paulette, qui sourit Michel. Michel se l ve et se tourne vers Paulette. MICHEL DOLL Tu viens avec moi ? Paulette r cup re les morceaux de pain dans son bol et les mange. PAULETTE Attends, j'ai pas fini. Michel ouvre la porte et sort. Paulette continue manger tranquillement. Raymond entre, poussant un vieux v lo, qu'il d pose contre le mur. Il a, sur la t te, un chapeau feutre gris. Il tient quelque chose cach derri re son dos. Il s'approche du lit de Georges. RAYMOND DOLL Regarde !... Georges se redresse sur son lit. RAYMOND DOLL Regarde ce qu'ils l chent sur la route, les Parisiens. Il enl ve le feutre, et, la place, pose sur sa t te un l gant chapeau noir bords roul s, celui qu'il cachait derri re son dos. Il fait le pitre. Georges rit malgr sa douleur, surtout lorsque son fr re met le chapeau de travers, en singeant Napol on, une main gliss e dans l' chancrure de sa chemise. GEORGES DOLL Me fais pas rire... Me fait pas rire... a me fait mal. Raymond met le chapeau sur la t te de Georges, qui ne peut s'emp cher de continuer rire, malgr la douleur qui lui tiraille le ventre. RAYMOND DOLL Tiens !... Comme a, tu le verras pas. GEORGES DOLL Me fait pas rire... Oh ! Bon Dieu, j'ai mal ! Il se recouche. La m re s'approche du lit. LA M RE DOLL Et le docteur ? RAYMOND DOLL Ah oui, le docteur. Mobilis l'h pital. C'est la cause au bombardements. GEORGES DOLL Ce que j'ai besoin, c'est pas le docteur, c'est les pompes fun bres. RAYMOND DOLL T'en fais pas... Y a toujours le vieux corbillard... En le reclouant un peu. Les deux fr res rient ensemble, et Georges plus fort que Raymond. FONDU ENCHAIN CHEMIN LONGEANT RUISSEAU - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers l'endroit o elle a, la veille, d pos le cadavre de son chien, une petite binette la main. NOTE La sc ne suivante, pr sente dans la toute premi re version originale du film, a t coup e dans toutes les copies pr sent es ult rieurement. Peut- tre a-t-on estim que de montrer Paulette en train de faire danser le cadavre de son chien tait un peu trop macabre. Paulette tient son chien par les pattes de devant, pour le faire tenir debout sur les pattes arri re. La binette est pos e c t d'elle. PAULETTE Fais le beau ! Elle essaie de le faire danser, puis, tout coup, elle le laisse retomber par terre. Elle soul ve sa robe et regarde un insecte qui grimpe sur sa jambe. L'insecte s'envole et va se poser sur une fleur de liseron. Elle veut cueillir la fleur, mais tirant un peu trop fort, c'est toute une guirlande de liseron qu'elle arrache. Elle se tourne vers le chien, puis, apr s un instant d'h sitation, elle lui entoure le cou avec la guirlande de liseron. Elle le soul ve de nouveau par les pattes de devant. PAULETTE Fais le beau ! Danse ! Elle danse avec le chien en chantonnant. Puis, lass par ce jeu, elle s'arr te, repose le chien, prend la binette et commence creuser. NOTE Retour la version normale du film, telle qu'elle est pr sent e dans toutes les copies existantes. Paulette s'agenouille pr s du cadavre de son chien, pos sur l'herbe. Elle pose la binette c te du chien et le caresse d licatement. Puis elle se caresse la joue, comme elle l'avait fait apr s avoir caress la joue de sa m re d c d e. Elle d place l g rement le chien, prend la binette et commence creuser. Tout coup, elle tourne la t te, car elle vient d'entendre un bruit de sonnette. Le cur du village arrive sur sa bicyclette, et se dirige vers la rivi re, et vers Paulette. Paulette pose sa binette et ramasse son chien. Le cur descend de v lo, terminant pied, le v lo la main, le petit raidillon qui descend vers le ruisseau. Paulette met le chien derri re son dos et le maintient en place avec ses deux mains. Le cur porte son v lo pour traverser le ruisseau. Puis, arriv sur l'autre rive, il le repose et s'approche de Paulette. LE CUR Je ne te connais pas, moi ?... Tu n'es pas d'ici ? Paulette recule de fa on se plaquer le dos contre un arbre, tenant toujours, deux mains, le chien cach derri re elle. Elle regarde le cur d'un air inquiet et m fiant. Ce dernier sourit, et se penche vers Paulette, appuy sur son v lo. LE CUR Tu as perdu ta langue ? Paulette fait non de la t te. LE CUR O habites-tu ? PAULETTE Chez Monsieur Doll . Papa est mort, et maman aussi. LE CUR Pauvre enfant... Leur as-tu dis une pri re, au moins ? Paulette fait non de la t te. LE CUR Tu ne veux pas en dire une ? PAULETTE Je sais pas quoi dire. LE CUR Il faut apprendre... Mets tes mains comme ceci. Le cur joint les mains. Paulette regarde les mains du cur , mais ne bouge pas. LE CUR Non ?... Alors, r p te : Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. PAULETTE Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. Le cur fait le signe de la croix. LE CUR Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Paulette r p te la phrase du cur , mais sans se signer. PAULETTE Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. LE CUR Fais comme moi. Le cur refait un signe de croix. LE CUR Tu ne veux pas ? Michel t'apprendra... Il apprend bien son cat chisme, Michel. Au nom de Michel, Paulette esquisse un sourire. Le cur s' loigne en poussant sa bicyclette. Paulette le regarde partir, tenant toujours son chien cach derri re son dos. Lorsqu'elle estime que la voix est libre, elle se d gage de l'arbre. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel s'avance travers bois, mais il ne voit pas Paulette. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette ne lui r pond pas. Elle prend son chien dans ses bras, ramasse sa binette, et s' loigne du ruisseau. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel continue chercher dans la for t. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette traverse le ruisseau et marche le long de la berge. Michel continue chercher. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers un vieux moulin eau d saffect , mais dont la b tisse semble encore solide. Elle entre l'int rieur du moulin. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette entre dans le moulin. Au fond du moulin, la grande roue, totalement immobile. Paulette cherche un endroit pour enterrer son chien. CHEMIN LONGEANT RIVI RE - EXT RIEUR JOUR Michel se dirige vers le moulin. On aper oit une autre roue, elle aussi immobile, l'ext rieur du moulin. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette pose son chien et commence creuser le sol en terre battue. Derri re elle, Michel entre dans le moulin. MICHEL DOLL Paulette !... Michel s'approche de Paulette. MICHEL DOLL Ah ! Dis... Qu'est-ce que tu fais l ? PAULETTE a ne te regarde pas. MICHEL DOLL Je te cherche partout... Tu fais un trou ? Elle ne lui r pond pas et continue creuser. MICHEL DOLL Ah !... C'est pour ton chien. Donne... Il cherche lui prendre la binette des mains, mais elle r siste un peu. MICHEL DOLL Donne... c'est trop dur... Elle finit par c der, et Michel se met creuser un peu plus nergiquement que Paulette. Apr s quelques coups de binette, il s'arr te de creuser et regarde Paulette. MICHEL DOLL a, c'est une id e... On va faire un beau petit cimeti re. PAULETTE Qu'est-ce que c'est qu'un cimeti re ? MICHEL DOLL C'est l qu'on met les morts pour qu'ils soient tous ensemble. PAULETTE Pourquoi on les met ensemble ? MICHEL DOLL Pour pas qu'ils s'emb tent. PAULETTE Mais alors, mon chien, il va s'emb ter, tout seul ? Michel r fl chit une seconde et hausse les paules. MICHEL DOLL Ben... oui... PAULETTE Faudra lui en trouver un autre ! MICHEL DOLL Un autre chien... a, c'est difficile. Un bruissement d'ailes fait lever la t te de Michel. Paulette regarde dans la direction o regarde Michel. Dans la charpente du moulin, un hibou, pos sur une poutre, semble observer les enfants. PAULETTE Qu'est-ce que c'est ? MICHEL DOLL C'est Monsieur le Maire. PAULETTE Pourquoi ? MICHEL DOLL C'est son nom... c'est un hibou. PAULETTE C'est m chant ? MICHEL DOLL Non, a roupille tout le temps... Tu vas voir. Michel se dirige vers une chelle qui permet d'acc der au hibou. PAULETTE Faut pas le tuer. MICHEL DOLL Penses-tu ! a serait m me pas la peine, a vit cent ans. Paulette fait une petite moue, semblant incapable de r aliser ce que repr sente cent ans. PAULETTE Cent ans !... Michel grimpe vers le hibou. Paulette d pose son chien dans le trou creus par Michel, puis commence le recouvrir de terre. Tout en travaillant, elle r cite la pri re que lui a apprise le cur . A chaque fois qu'elle dit Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit , elle fait un rapide signe de croix. MICHEL DOLL Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Michel atteint le nid du hibou sur la poutre. On entend, de loin, Paulette qui continue psalmodier ses Que le Bon Dieu... etc. MICHEL DOLL Toi, ne bouge pas... Michel glisse la main derri re le hibou, dans son nid. Il sort une taupe morte qu'il tient par la queue. MICHEL DOLL Je t'en donnerai une autre. Michel redescend vers Paulette, en tenant la taupe par la queue. Il a maintenant atteint le bas de l' chelle. Il s'approche de Paulette, tenant toujours la taupe par la queue. Paulette continue psalmodier ses pri res tout en comblant la tombe de son chien. MICHEL DOLL J'ai une taupe !... Une belle !... Paulette se redresse et regarde la taupe. PAULETTE Il en faudra d'autres. MICHEL DOLL C'est pas ce qui manque, les taupes. La voix de Paulette se fait presque geignante lorsqu'elle dit : PAULETTE Des chats... Michel, lui, num re, sur un timbre de voix nettement plus pos : MICHEL DOLL Des h rissons, des l zards... Paulette n'est visiblement plus dans son tat normal. PAULETTE Des chevaux, des vaches... MICHEL DOLL Des serpents sonnette. PAULETTE Des lions. MICHEL DOLL Des tigres. Paulette a presque des sanglots dans la voix lorsqu'elle dit : PAULETTE Des gens !... Paulette a le souffle un peu court. Michel a l'air un peu surpris par les derniers mots de Paulette. MICHEL DOLL Si tu veux... Et puis on leur mettra des croix. Michel reprend la binette, et creuse un autre trou pour la taupe. Paulette s'est accroupie pour le regarder creuser. PAULETTE Pourquoi des croix ? MICHEL DOLL Ben dis donc !... Qu'est-ce qu'ils t'ont appris, tes parents ?... Tu vas voir. Il pose la binette, prend un morceau de bois, qu'il casse en deux, et en fait une croix, qu'il lie avec du fil de fer. MICHEL DOLL Regarde... Tiens... Regarde... L ... C'est a, une croix. Il plante la croix sur la tombe du chien. PAULETTE C'est le Bon Dieu. MICHEL DOLL Ben oui... C'est le Bon Dieu. PAULETTE Attends. Elle sort un collier de sa poche. MICHEL DOLL Il est joli, ton collier. PAULETTE Il est cass . Elle entoure la croix de son collier. Michel semble ravi. MICHEL DOLL C'est mieux. Il arrange le collier autour de la croix. PAULETTE Oui... mais il y en a une plus belle au-dessus de ton fr re. MICHEL DOLL Tu la trouves belle, toi ? Paulette fait oui de la t te. MICHEL DOLL Je t'en ferai des encore mieux, moi. Avec des clous et un marteau. D'un grand geste des bras, il d signe toute la pi ce. MICHEL DOLL Et on en foutra partout ! FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR JOUR Michel est assis par terre les jambes cart es. Ils cloue deux lattes de bois ensemble en forme de croix.(...TRUNCATED)
jealous
How many times the word 'jealous' appears in the text?
0
!... LE P RE DOLL Vous lui faites peur tourner autour. C'est pas une b te curieuse. Allez, faut faire un peu semblant de ne pas s'occuper d'elle. Tous s' loignent de Paulette, sauf Michel. Paulette, qui a toujours sa tranche de pain la main, se tourne vers Michel. PAULETTE Michel, je suis fatigu e. Michel soul ve Paulette, un peu difficilement, mais avec beaucoup de tendresse, et la d pose sur un lit voisin. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Un peu plus tard. Le p re est assis sur l'un des deux bancs qui longent la grande table, avec Paulette endormie sur les genoux. En face de lui, sur l'autre banc, Michel fait ses devoirs. Raymond, assis dans un fauteuil, bricole un morceau de bois. Le p re lit le journal d pli devant lui, et en appui sur une bouteille. Une lampe p trole, pos e sur la table, claire la sc ne. LE P RE DOLL La situation militaire s' tait brusquement aggrav e sur tous les fronts au cours de la journ e d'hier. Les ministres ont si g en permanence. RAYMOND DOLL Ah ! Tu vois ! LE P RE DOLL Ouais... Paulette, toujours dans les bras du p re Doll , ouvre un oeil et regarde Michel. Celui-ci fait le pitre en calant un crayon sous son nez, comme une moustache. Pendant que le p re reprend sa lecture, Paulette fait semblant de se rendormir en fermant les yeux. Michel pose le crayon, fait une petite boulette de papier et l'envoie en direction de Paulette. LE P RE DOLL A Bucarest, le Cabinet Tata...res, ou... . a, je m'en fous... La r sistance de nos troupes reste souple et efficace... L'archev que de Westminter (il prononce la fran aise : veste-munster) ordonne... Le p re s'arr te net de lire, car il vient de recevoir, dans la figure, le projectile destin Paulette. Il se frotte le nez et se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Fais ton probl me Par-dessus l' paule du p re, on peut lire le journal qu'il lit. Il s'agit de La Montagne . A la une du journal, le gros titre suivant : Reynaud d missionne. P tain lui succ de. Michel a repris son probl me, dont il fait profiter tout le monde. MICHEL DOLL Un r ti de veau de deux kilos cinq a co t cent quarante- deux francs. LE P RE DOLL Alerte sur Malte... Tiens !... MICHEL DOLL Combien co terait, ce prix, une escalope de veau de cent cinquante grammes. Berthe, qui descend l'escalier du grenier, un oreiller sous le bras, arrive derri re Michel et regarde le dos du journal, toujours appuy sur la bouteille. BERTHE DOLL Ah ! Dis donc ! Le p re regarde Paulette. LE P RE DOLL La r veille pas. Berthe rel ve la t te. BERTHE DOLL Le fils Gouard... LE P RE DOLL Le fils Gouard ? Le p re retourne le journal. Et sur la derni re page, on voit la photo d'un soldat, entre les rubriques Echos et Faits Divers . Raymond s'approche du journal RAYMOND DOLL T'es folle, ben pourquoi il serait sur le journal, le fils Gouard ? BERTHE DOLL Et pourquoi pas ? Si on l'a d cor ! RAYMOND DOLL D cor ? Le Francis ? Et bien, a me ferait bien mal. BERTHE DOLL En tous cas, il y est, lui, la guerre ! Le p re replie son journal et regarde sa fille d'un air visiblement nerv . LE P RE DOLL T'as pas parler du fils Gouard... Qu'est-ce que tu veux ? BERTHE DOLL Une couverture pour la gosse. LA M RE DOLL Prends-la... Ben prends-la Raymond. Raymond se pr cipite vers son lit et s'assoit dessus. Derri re la m re Doll , on aper oit Ren e, la fille cadette, qui essuie la vaisselle. RAYMOND DOLL Oh ! Pardon !... Moi, j'en ai pas de trop... Michel se tourne vers Berthe. MICHEL DOLL Prends la mienne... Raymond se l ve du lit. RAYMOND DOLL C'est pareil, on a le m me lit ! MICHEL DOLL Alors, j'ai le droit de la donner. Raymond regarde, d'un air penaud, sa soeur prendre la couverture. RAYMOND DOLL Oh !... Ben non alors ! Michel retourne vers ses devoirs. Le p re regarde Paulette endormie avec une certaine tendresse. LE P RE DOLL Pauvre gosse ! LA M RE DOLL A cet ge-l , a se rend pas compte. RAYMOND DOLL Dix-sept, il en est mort, rien qu'aujourd'hui sur le pont, et c t ... Ils n'ont m me plus de cercueil pour les enterrer. Le p re se tourne vers Georges. LE P RE DOLL Tu vois, c'est pas le moment de mourir, t'auras m me pas de bo te ! GEORGES DOLL Qu'est-ce qu'on en fait, des morts ? RAYMOND DOLL On fait un trou, et hop !... comme des chiens. Le p re se penche sur Paulette, qui semble toujours endormie sur ses genoux. LE P RE DOLL Chut !... C'est pas des choses raconter. LA M RE DOLL Mais elle dort... Le p re regarde tendrement Paulette, qu'il tend d licatement la m re. LE P RE DOLL Allez... Celle-ci la prend dans ses bras, et commence monter l'escalier, suivie par Ren e et Michel, qui sourit. Le p re ramasse son journal, se l ve, et se dirige vers Georges. LE P RE DOLL T'as vu ? Il s'assoit sur bord du lit. Georges semble souffrir tellement qu'il ne s'aper oit m me pas de sa pr sence. LE P RE DOLL Un side-car allemand tomb aux mains de nos troupes... Regarde. Il tend le journal Georges, qui soupire sans le regarder. LE P RE DOLL T'as mal ? GEORGES DOLL Ouais !... Oh ! Je sais pas. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Berthe pr pare le lit de Paulette, pendant que la m re la d shabille. Paulette, debout, se frotte les yeux. Michel regarde la sc ne. BERTHE DOLL Ce qu'elle est propre !... Ren e lui sent la chevelure REN E DOLL On dirait du parfum. Berthe la sent son tour. BERTHE DOLL Ben non, c'est qui sont propres. REN E DOLL Elle ne s'habituera jamais ici. La m re couche Paulette sur le lit. MICHEL DOLL Pourquoi qu'elle s'habituerait pas ? La m re borde le lit, aid e par Berthe. LA M RE DOLL Tu voudrais bien la garder, toi, hein ? Elle se tourne vers ses enfants. LA M RE DOLL Allez, hop ! Descendez ! Elle prend la lampe p trole et descend l'escalier, en poussant ses filles devant elle. Michel ferme la marche. Paulette se retourne dans son lit. PAULETTE J'ai peur... Je ne veux pas rester dans le noir. MICHEL DOLL T'auras qu' crier Michel. Je reviendrais. Il continue descendre. Paulette chuchote : PAULETTE Michel !... Michel tourne la t te avant de dispara tre compl tement dans l'escalier. MICHEL DOLL Plus fort... Paulette hausse la voix. PAULETTE Michel !... MICHEL DOLL Comme a ! Michel descend l'escalier. PAULETTE Michel !... Paulette a maintenant des larmes dans la voix. PAULETTE Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de son fr re, sur lequel le p re est toujours assis. On entend Paulette appeler du grenier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... Le p re se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Qu'est-ce qu'elle veut ? MICHEL DOLL Je sais pas, elle m'appelle. PAULETTE (voix off) Michel !... GEORGES DOLL Ah ! Faites-la taire, Bon Dieu ! LE P RE DOLL Allez, fais-la taire ! MICHEL DOLL Et mon probl me ? PAULETTE (voix off) Michel !... LE P RE DOLL Fais ce qu'on te dit. MICHEL DOLL Bon... je ferai pas mon probl me. Michel remonte l'escalier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Dans la p nombre, Michel s'approche du lit et se penche vers Paulette. PAULETTE J'y vois rien. MICHEL DOLL Ferme les yeux, compte jusqu' dix et tu verras... Combien j'ai de doigts ? Michel met sa main sous le nez de Paulette, qui s'est l g rement redress e, appuyant sa joue sur son poing ferm . PAULETTE Je te dis que je n'y vois rien. MICHEL DOLL Alors, tu sais pas compter. PAULETTE Trois ! MICHEL DOLL Tu vois bien qu'on y voit. Paulette tire la langue Michel. MICHEL DOLL Pourquoi tu me tires la langue ? PAULETTE Pour voir si tu y vois. La pi ce est brusquement clair e d'une vive lumi re, suivie du bruit d'un bombardement. Michel se l ve et se pr cipite vers la lucarne. MICHEL DOLL Oh ! Une fus e... Viens voir. Paulette se cache sous la couverture. PAULETTE J'ai peur, il faut se coucher par terre. Michel se tourne vers Paulette, toujours cach e sous sa couverture. MICHEL DOLL Tu as peur quand il fait noir, et puis tu as peur quand a claire ! Paulette sort la t te de sa couverture. PAULETTE a claire encore ? MICHEL DOLL Non. Une vive lumi re sort de la lucarne. Paulette se recache. PAULETTE Menteur !... Michel ferme le volet int rieur de la lucarne. MICHEL DOLL Bon... Voil ... La pi ce est tr s sombre tout coup. Michel se dirige vers le lit et soul ve la couverture, d couvrant le visage apeur de Paulette. MICHEL DOLL C'est fini, je te jure. Paulette se redresse l g rement, et s'appuie la joue sur la main. PAULETTE Je veux pas rester ici. MICHEL DOLL T'es bien forc e. O tu veux aller ? PAULETTE Je veux retrouver ma maman et mon papa... sur le pont. MICHEL DOLL Ils y sont plus sur le pont. PAULETTE Pourquoi ?.. O ils sont ? MICHEL DOLL Dans un trou. PAULETTE Dans un trou ? Michel semble g n . MICHEL DOLL Oui. PAULETTE Et hop ! Comme des chiens ? Michel semble surpris : il ne savait pas que Paulette, qu'il croyait endormie, avait entendu les r flexions stupides de son fr re. MICHEL DOLL Ben... oui... Paulette s'allonge sur son lit. PAULETTE A cause de la pluie... Dans un trou... Pour pas qu'ils soient mouill s ? MICHEL DOLL a doit tre pour a... PAULETTE Mais alors, mon chien... Michel... Il va tre mouill . Paulette ferme les yeux et s'endort. MICHEL DOLL Tu dors ?... Tu n'as plus peur ?... Je peux m'en aller ?... Il se l ve lentement et se dirige vers l'escalier, qu'il descend sur la pointe des pieds. FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Nous sommes au milieu de la nuit. Toute la famille Doll dort... et ronfle ! Michel et Raymond dorment dans le m me lit. Un papillon vole dans la pi ce. On suit son ombre projet e sur le mur par la lampe qui est rest e allum e sur la table de nuit de Georges qui, lui, ne dort pas. Le papillon, attir par la lumi re, finit par tomber dans le verre de la lampe p trole, o il meurt instantan ment. On entend Paulette crier : elle a certainement fait un cauchemar. Georges sursaute, et se tourne vers le lit de ses fr res. GEORGES DOLL Michel !... Michel, je te dis !... PAULETTE (pleurnichant en voix off) Papa !... Maman !... Maman !... Maman !... Comme Michel ne semble entendre, ni son fr re, ni Paulette, Georges attrape un paquet de petits beurres pos au milieu des m dicaments sur la table de nuit et le lance en direction de Michel. Michel re oit le paquet sur la t te et se r veille en sursaut en se frottant les yeux. Il semble un peu affol . Il porte une longue chemise de nuit rapi c e. MICHEL DOLL Qu'est-ce qu'il y a ? GEORGES DOLL Tu l'entend pas ? MICHEL DOLL Qui a ? GEORGES DOLL (d'une voix furieuse) Je veux pas qu'elle crie ! MICHEL DOLL Gueule pas comme a. Il se l ve, prend la lampe sur la table de nuit de son fr re et monte l'escalier. On entend Paulette g mir. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Michel s'assied sur le bord du lit, pr s de la t te de Paulette. Il lui caresse le front. MICHEL DOLL Pourquoi que tu cries ? T'as peur ? Paulette semble un peu absente. Elle n'est visiblement qu' moiti r veill e. PAULETTE Non. MICHEL DOLL Alors, faut pas crier comme a. PAULETTE Je crie pas. Paulette ferme les yeux. Michel recouvre soigneusement Paulette, qui s'est rendormie, le visage serein. Puis il redescend sans bruit. FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de Georges et repose la lampe sur la table de nuit. MICHEL DOLL a y est, je lui ai expliqu . Elle dort. GEORGES DOLL Et moi, je dors pas. MICHEL DOLL Si tu veux, moi non plus, je dormirai pas... Tu veux que je te lise le journal ? Georges hoche peine la t te. Michel rapproche une chaise du lit, prend le journal que le p re a laiss sur le lit, et demande : MICHEL DOLL Qu'est-ce que je te lis ?... La guerre ?... GEORGES DOLL Ah non ! Pas la guerre ! Le feuilleton. MICHEL DOLL Il tait encore trop t t pour donner le signal du d part. N anmoins, ceux des compagnons qui devaient faire la route cheval... Georges l ve la main. GEORGES DOLL Parle pas de cheval. MICHEL DOLL Bon, je te lis apr s... Et pourtant, toutes les pr cautions avaient t prises l'ext rieur de l'ha... l'ha...cienda... Les deux fr res font une petite moue, car ni l'un, ni l'autre, ne semble comprendre ce mot tranger. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR JOUR Le lendemain matin. Michel est assis table et boit son bol de lait. En face de lui, Berthe coupe des morceaux de pain et les d pose dans un bol. Derri re Michel, la m re est en train de refaire son lit. Le coq chante et Georges g mit faiblement dans son lit. Michel se l ve et contourne la table. MICHEL DOLL Paulette !... Il s'essuie la bouche sur un torchon pos sur la table et se dirige vers l'escalier, devant lequel il s'arr te. Il l ve la t te. MICHEL DOLL T'es pas encore lev e ? PAULETTE (voix off provenant du grenier) Je m'habille. MICHEL DOLL D p che-toi. LA M RE DOLL (voix off du fond de la pi ce) Criez pas si fort.. Vous voyez bien qu'il y a un malade. Paulette descend l'escalier en enfilant sa robe, et accompagn e du chien. Arriv e en bas, elle se dirige vers le lit de Georges, qui toussote. PAULETTE Oh !... Qu'est-ce qu'il a, le monsieur ? Georges caresse doucement la joue de Paulette qui continue s'habiller. LA M RE DOLL (voix off) Il a re u un coup de pied de cheval. Paulette pointe le doigt vers le crucifix accroch au mur au- dessus du lit. PAULETTE Qu'est-ce que c'est, a ? LA M RE DOLL (voix off) C'est le Bon Dieu. La m re semble choqu e par la question de la fillette et s'approche d'elle. LA M RE DOLL T'en as jamais vu ? PAULETTE Si, mais je savais pas ce que c' tait. La m re s'approche de Paulette et la pousse vers la table. LA M RE DOLL Viens boire ton lait. Michel, qui s'est rassis table devant son bol, sourit Paulette. MICHEL DOLL Bonjour. La m re assoit Paulette c t de Berthe, qui verse du lait dans le bol de la fillette, qui sourit Michel. LA M RE DOLL Elle sait pas ce que c'est que le Bon Dieu. Georges se redresse de son oreiller, et dit, d'une voix peu AIMABLE : GEORGES DOLL J'ai soif. La m re est en train de coiffer Paulette. Berthe regarde sa m re. BERTHE DOLL C'est se demander d'o elle sort. (A PAULETTE) D'o tu viens ? Michel baisse son bol pour r pondre. MICHEL DOLL C'est une parisienne. LA M RE DOLL Pauvre gosse ! BERTHE DOLL Faudra la faire baptiser. LA M RE DOLL Ben, en attendant, faut la d clarer au maire.. Ils nous accuseraient bien de l'avoir vol e. Elle verse du vin dans un verre. BERTHE DOLL C'est pas au maire qu'il faut aller. C'est aux gendarmes. LA M RE DOLL Mairerie ou gendarmerie, y faut leur dire. Elle repose la bouteille sur la table et se dirige vers le lit de Georges. MICHEL DOLL J'irai, moi, aux gendarmes. LA M RE DOLL (voix off) Toi, occupe-toi de tes vaches. Berthe finit de coiffer Paulette, qui sourit Michel. Michel se l ve et se tourne vers Paulette. MICHEL DOLL Tu viens avec moi ? Paulette r cup re les morceaux de pain dans son bol et les mange. PAULETTE Attends, j'ai pas fini. Michel ouvre la porte et sort. Paulette continue manger tranquillement. Raymond entre, poussant un vieux v lo, qu'il d pose contre le mur. Il a, sur la t te, un chapeau feutre gris. Il tient quelque chose cach derri re son dos. Il s'approche du lit de Georges. RAYMOND DOLL Regarde !... Georges se redresse sur son lit. RAYMOND DOLL Regarde ce qu'ils l chent sur la route, les Parisiens. Il enl ve le feutre, et, la place, pose sur sa t te un l gant chapeau noir bords roul s, celui qu'il cachait derri re son dos. Il fait le pitre. Georges rit malgr sa douleur, surtout lorsque son fr re met le chapeau de travers, en singeant Napol on, une main gliss e dans l' chancrure de sa chemise. GEORGES DOLL Me fais pas rire... Me fait pas rire... a me fait mal. Raymond met le chapeau sur la t te de Georges, qui ne peut s'emp cher de continuer rire, malgr la douleur qui lui tiraille le ventre. RAYMOND DOLL Tiens !... Comme a, tu le verras pas. GEORGES DOLL Me fait pas rire... Oh ! Bon Dieu, j'ai mal ! Il se recouche. La m re s'approche du lit. LA M RE DOLL Et le docteur ? RAYMOND DOLL Ah oui, le docteur. Mobilis l'h pital. C'est la cause au bombardements. GEORGES DOLL Ce que j'ai besoin, c'est pas le docteur, c'est les pompes fun bres. RAYMOND DOLL T'en fais pas... Y a toujours le vieux corbillard... En le reclouant un peu. Les deux fr res rient ensemble, et Georges plus fort que Raymond. FONDU ENCHAIN CHEMIN LONGEANT RUISSEAU - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers l'endroit o elle a, la veille, d pos le cadavre de son chien, une petite binette la main. NOTE La sc ne suivante, pr sente dans la toute premi re version originale du film, a t coup e dans toutes les copies pr sent es ult rieurement. Peut- tre a-t-on estim que de montrer Paulette en train de faire danser le cadavre de son chien tait un peu trop macabre. Paulette tient son chien par les pattes de devant, pour le faire tenir debout sur les pattes arri re. La binette est pos e c t d'elle. PAULETTE Fais le beau ! Elle essaie de le faire danser, puis, tout coup, elle le laisse retomber par terre. Elle soul ve sa robe et regarde un insecte qui grimpe sur sa jambe. L'insecte s'envole et va se poser sur une fleur de liseron. Elle veut cueillir la fleur, mais tirant un peu trop fort, c'est toute une guirlande de liseron qu'elle arrache. Elle se tourne vers le chien, puis, apr s un instant d'h sitation, elle lui entoure le cou avec la guirlande de liseron. Elle le soul ve de nouveau par les pattes de devant. PAULETTE Fais le beau ! Danse ! Elle danse avec le chien en chantonnant. Puis, lass par ce jeu, elle s'arr te, repose le chien, prend la binette et commence creuser. NOTE Retour la version normale du film, telle qu'elle est pr sent e dans toutes les copies existantes. Paulette s'agenouille pr s du cadavre de son chien, pos sur l'herbe. Elle pose la binette c te du chien et le caresse d licatement. Puis elle se caresse la joue, comme elle l'avait fait apr s avoir caress la joue de sa m re d c d e. Elle d place l g rement le chien, prend la binette et commence creuser. Tout coup, elle tourne la t te, car elle vient d'entendre un bruit de sonnette. Le cur du village arrive sur sa bicyclette, et se dirige vers la rivi re, et vers Paulette. Paulette pose sa binette et ramasse son chien. Le cur descend de v lo, terminant pied, le v lo la main, le petit raidillon qui descend vers le ruisseau. Paulette met le chien derri re son dos et le maintient en place avec ses deux mains. Le cur porte son v lo pour traverser le ruisseau. Puis, arriv sur l'autre rive, il le repose et s'approche de Paulette. LE CUR Je ne te connais pas, moi ?... Tu n'es pas d'ici ? Paulette recule de fa on se plaquer le dos contre un arbre, tenant toujours, deux mains, le chien cach derri re elle. Elle regarde le cur d'un air inquiet et m fiant. Ce dernier sourit, et se penche vers Paulette, appuy sur son v lo. LE CUR Tu as perdu ta langue ? Paulette fait non de la t te. LE CUR O habites-tu ? PAULETTE Chez Monsieur Doll . Papa est mort, et maman aussi. LE CUR Pauvre enfant... Leur as-tu dis une pri re, au moins ? Paulette fait non de la t te. LE CUR Tu ne veux pas en dire une ? PAULETTE Je sais pas quoi dire. LE CUR Il faut apprendre... Mets tes mains comme ceci. Le cur joint les mains. Paulette regarde les mains du cur , mais ne bouge pas. LE CUR Non ?... Alors, r p te : Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. PAULETTE Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. Le cur fait le signe de la croix. LE CUR Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Paulette r p te la phrase du cur , mais sans se signer. PAULETTE Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. LE CUR Fais comme moi. Le cur refait un signe de croix. LE CUR Tu ne veux pas ? Michel t'apprendra... Il apprend bien son cat chisme, Michel. Au nom de Michel, Paulette esquisse un sourire. Le cur s' loigne en poussant sa bicyclette. Paulette le regarde partir, tenant toujours son chien cach derri re son dos. Lorsqu'elle estime que la voix est libre, elle se d gage de l'arbre. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel s'avance travers bois, mais il ne voit pas Paulette. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette ne lui r pond pas. Elle prend son chien dans ses bras, ramasse sa binette, et s' loigne du ruisseau. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel continue chercher dans la for t. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette traverse le ruisseau et marche le long de la berge. Michel continue chercher. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers un vieux moulin eau d saffect , mais dont la b tisse semble encore solide. Elle entre l'int rieur du moulin. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette entre dans le moulin. Au fond du moulin, la grande roue, totalement immobile. Paulette cherche un endroit pour enterrer son chien. CHEMIN LONGEANT RIVI RE - EXT RIEUR JOUR Michel se dirige vers le moulin. On aper oit une autre roue, elle aussi immobile, l'ext rieur du moulin. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette pose son chien et commence creuser le sol en terre battue. Derri re elle, Michel entre dans le moulin. MICHEL DOLL Paulette !... Michel s'approche de Paulette. MICHEL DOLL Ah ! Dis... Qu'est-ce que tu fais l ? PAULETTE a ne te regarde pas. MICHEL DOLL Je te cherche partout... Tu fais un trou ? Elle ne lui r pond pas et continue creuser. MICHEL DOLL Ah !... C'est pour ton chien. Donne... Il cherche lui prendre la binette des mains, mais elle r siste un peu. MICHEL DOLL Donne... c'est trop dur... Elle finit par c der, et Michel se met creuser un peu plus nergiquement que Paulette. Apr s quelques coups de binette, il s'arr te de creuser et regarde Paulette. MICHEL DOLL a, c'est une id e... On va faire un beau petit cimeti re. PAULETTE Qu'est-ce que c'est qu'un cimeti re ? MICHEL DOLL C'est l qu'on met les morts pour qu'ils soient tous ensemble. PAULETTE Pourquoi on les met ensemble ? MICHEL DOLL Pour pas qu'ils s'emb tent. PAULETTE Mais alors, mon chien, il va s'emb ter, tout seul ? Michel r fl chit une seconde et hausse les paules. MICHEL DOLL Ben... oui... PAULETTE Faudra lui en trouver un autre ! MICHEL DOLL Un autre chien... a, c'est difficile. Un bruissement d'ailes fait lever la t te de Michel. Paulette regarde dans la direction o regarde Michel. Dans la charpente du moulin, un hibou, pos sur une poutre, semble observer les enfants. PAULETTE Qu'est-ce que c'est ? MICHEL DOLL C'est Monsieur le Maire. PAULETTE Pourquoi ? MICHEL DOLL C'est son nom... c'est un hibou. PAULETTE C'est m chant ? MICHEL DOLL Non, a roupille tout le temps... Tu vas voir. Michel se dirige vers une chelle qui permet d'acc der au hibou. PAULETTE Faut pas le tuer. MICHEL DOLL Penses-tu ! a serait m me pas la peine, a vit cent ans. Paulette fait une petite moue, semblant incapable de r aliser ce que repr sente cent ans. PAULETTE Cent ans !... Michel grimpe vers le hibou. Paulette d pose son chien dans le trou creus par Michel, puis commence le recouvrir de terre. Tout en travaillant, elle r cite la pri re que lui a apprise le cur . A chaque fois qu'elle dit Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit , elle fait un rapide signe de croix. MICHEL DOLL Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Michel atteint le nid du hibou sur la poutre. On entend, de loin, Paulette qui continue psalmodier ses Que le Bon Dieu... etc. MICHEL DOLL Toi, ne bouge pas... Michel glisse la main derri re le hibou, dans son nid. Il sort une taupe morte qu'il tient par la queue. MICHEL DOLL Je t'en donnerai une autre. Michel redescend vers Paulette, en tenant la taupe par la queue. Il a maintenant atteint le bas de l' chelle. Il s'approche de Paulette, tenant toujours la taupe par la queue. Paulette continue psalmodier ses pri res tout en comblant la tombe de son chien. MICHEL DOLL J'ai une taupe !... Une belle !... Paulette se redresse et regarde la taupe. PAULETTE Il en faudra d'autres. MICHEL DOLL C'est pas ce qui manque, les taupes. La voix de Paulette se fait presque geignante lorsqu'elle dit : PAULETTE Des chats... Michel, lui, num re, sur un timbre de voix nettement plus pos : MICHEL DOLL Des h rissons, des l zards... Paulette n'est visiblement plus dans son tat normal. PAULETTE Des chevaux, des vaches... MICHEL DOLL Des serpents sonnette. PAULETTE Des lions. MICHEL DOLL Des tigres. Paulette a presque des sanglots dans la voix lorsqu'elle dit : PAULETTE Des gens !... Paulette a le souffle un peu court. Michel a l'air un peu surpris par les derniers mots de Paulette. MICHEL DOLL Si tu veux... Et puis on leur mettra des croix. Michel reprend la binette, et creuse un autre trou pour la taupe. Paulette s'est accroupie pour le regarder creuser. PAULETTE Pourquoi des croix ? MICHEL DOLL Ben dis donc !... Qu'est-ce qu'ils t'ont appris, tes parents ?... Tu vas voir. Il pose la binette, prend un morceau de bois, qu'il casse en deux, et en fait une croix, qu'il lie avec du fil de fer. MICHEL DOLL Regarde... Tiens... Regarde... L ... C'est a, une croix. Il plante la croix sur la tombe du chien. PAULETTE C'est le Bon Dieu. MICHEL DOLL Ben oui... C'est le Bon Dieu. PAULETTE Attends. Elle sort un collier de sa poche. MICHEL DOLL Il est joli, ton collier. PAULETTE Il est cass . Elle entoure la croix de son collier. Michel semble ravi. MICHEL DOLL C'est mieux. Il arrange le collier autour de la croix. PAULETTE Oui... mais il y en a une plus belle au-dessus de ton fr re. MICHEL DOLL Tu la trouves belle, toi ? Paulette fait oui de la t te. MICHEL DOLL Je t'en ferai des encore mieux, moi. Avec des clous et un marteau. D'un grand geste des bras, il d signe toute la pi ce. MICHEL DOLL Et on en foutra partout ! FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR JOUR Michel est assis par terre les jambes cart es. Ils cloue deux lattes de bois ensemble en forme de croix.(...TRUNCATED)
competent
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!... LE P RE DOLL Vous lui faites peur tourner autour. C'est pas une b te curieuse. Allez, faut faire un peu semblant de ne pas s'occuper d'elle. Tous s' loignent de Paulette, sauf Michel. Paulette, qui a toujours sa tranche de pain la main, se tourne vers Michel. PAULETTE Michel, je suis fatigu e. Michel soul ve Paulette, un peu difficilement, mais avec beaucoup de tendresse, et la d pose sur un lit voisin. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Un peu plus tard. Le p re est assis sur l'un des deux bancs qui longent la grande table, avec Paulette endormie sur les genoux. En face de lui, sur l'autre banc, Michel fait ses devoirs. Raymond, assis dans un fauteuil, bricole un morceau de bois. Le p re lit le journal d pli devant lui, et en appui sur une bouteille. Une lampe p trole, pos e sur la table, claire la sc ne. LE P RE DOLL La situation militaire s' tait brusquement aggrav e sur tous les fronts au cours de la journ e d'hier. Les ministres ont si g en permanence. RAYMOND DOLL Ah ! Tu vois ! LE P RE DOLL Ouais... Paulette, toujours dans les bras du p re Doll , ouvre un oeil et regarde Michel. Celui-ci fait le pitre en calant un crayon sous son nez, comme une moustache. Pendant que le p re reprend sa lecture, Paulette fait semblant de se rendormir en fermant les yeux. Michel pose le crayon, fait une petite boulette de papier et l'envoie en direction de Paulette. LE P RE DOLL A Bucarest, le Cabinet Tata...res, ou... . a, je m'en fous... La r sistance de nos troupes reste souple et efficace... L'archev que de Westminter (il prononce la fran aise : veste-munster) ordonne... Le p re s'arr te net de lire, car il vient de recevoir, dans la figure, le projectile destin Paulette. Il se frotte le nez et se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Fais ton probl me Par-dessus l' paule du p re, on peut lire le journal qu'il lit. Il s'agit de La Montagne . A la une du journal, le gros titre suivant : Reynaud d missionne. P tain lui succ de. Michel a repris son probl me, dont il fait profiter tout le monde. MICHEL DOLL Un r ti de veau de deux kilos cinq a co t cent quarante- deux francs. LE P RE DOLL Alerte sur Malte... Tiens !... MICHEL DOLL Combien co terait, ce prix, une escalope de veau de cent cinquante grammes. Berthe, qui descend l'escalier du grenier, un oreiller sous le bras, arrive derri re Michel et regarde le dos du journal, toujours appuy sur la bouteille. BERTHE DOLL Ah ! Dis donc ! Le p re regarde Paulette. LE P RE DOLL La r veille pas. Berthe rel ve la t te. BERTHE DOLL Le fils Gouard... LE P RE DOLL Le fils Gouard ? Le p re retourne le journal. Et sur la derni re page, on voit la photo d'un soldat, entre les rubriques Echos et Faits Divers . Raymond s'approche du journal RAYMOND DOLL T'es folle, ben pourquoi il serait sur le journal, le fils Gouard ? BERTHE DOLL Et pourquoi pas ? Si on l'a d cor ! RAYMOND DOLL D cor ? Le Francis ? Et bien, a me ferait bien mal. BERTHE DOLL En tous cas, il y est, lui, la guerre ! Le p re replie son journal et regarde sa fille d'un air visiblement nerv . LE P RE DOLL T'as pas parler du fils Gouard... Qu'est-ce que tu veux ? BERTHE DOLL Une couverture pour la gosse. LA M RE DOLL Prends-la... Ben prends-la Raymond. Raymond se pr cipite vers son lit et s'assoit dessus. Derri re la m re Doll , on aper oit Ren e, la fille cadette, qui essuie la vaisselle. RAYMOND DOLL Oh ! Pardon !... Moi, j'en ai pas de trop... Michel se tourne vers Berthe. MICHEL DOLL Prends la mienne... Raymond se l ve du lit. RAYMOND DOLL C'est pareil, on a le m me lit ! MICHEL DOLL Alors, j'ai le droit de la donner. Raymond regarde, d'un air penaud, sa soeur prendre la couverture. RAYMOND DOLL Oh !... Ben non alors ! Michel retourne vers ses devoirs. Le p re regarde Paulette endormie avec une certaine tendresse. LE P RE DOLL Pauvre gosse ! LA M RE DOLL A cet ge-l , a se rend pas compte. RAYMOND DOLL Dix-sept, il en est mort, rien qu'aujourd'hui sur le pont, et c t ... Ils n'ont m me plus de cercueil pour les enterrer. Le p re se tourne vers Georges. LE P RE DOLL Tu vois, c'est pas le moment de mourir, t'auras m me pas de bo te ! GEORGES DOLL Qu'est-ce qu'on en fait, des morts ? RAYMOND DOLL On fait un trou, et hop !... comme des chiens. Le p re se penche sur Paulette, qui semble toujours endormie sur ses genoux. LE P RE DOLL Chut !... C'est pas des choses raconter. LA M RE DOLL Mais elle dort... Le p re regarde tendrement Paulette, qu'il tend d licatement la m re. LE P RE DOLL Allez... Celle-ci la prend dans ses bras, et commence monter l'escalier, suivie par Ren e et Michel, qui sourit. Le p re ramasse son journal, se l ve, et se dirige vers Georges. LE P RE DOLL T'as vu ? Il s'assoit sur bord du lit. Georges semble souffrir tellement qu'il ne s'aper oit m me pas de sa pr sence. LE P RE DOLL Un side-car allemand tomb aux mains de nos troupes... Regarde. Il tend le journal Georges, qui soupire sans le regarder. LE P RE DOLL T'as mal ? GEORGES DOLL Ouais !... Oh ! Je sais pas. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Berthe pr pare le lit de Paulette, pendant que la m re la d shabille. Paulette, debout, se frotte les yeux. Michel regarde la sc ne. BERTHE DOLL Ce qu'elle est propre !... Ren e lui sent la chevelure REN E DOLL On dirait du parfum. Berthe la sent son tour. BERTHE DOLL Ben non, c'est qui sont propres. REN E DOLL Elle ne s'habituera jamais ici. La m re couche Paulette sur le lit. MICHEL DOLL Pourquoi qu'elle s'habituerait pas ? La m re borde le lit, aid e par Berthe. LA M RE DOLL Tu voudrais bien la garder, toi, hein ? Elle se tourne vers ses enfants. LA M RE DOLL Allez, hop ! Descendez ! Elle prend la lampe p trole et descend l'escalier, en poussant ses filles devant elle. Michel ferme la marche. Paulette se retourne dans son lit. PAULETTE J'ai peur... Je ne veux pas rester dans le noir. MICHEL DOLL T'auras qu' crier Michel. Je reviendrais. Il continue descendre. Paulette chuchote : PAULETTE Michel !... Michel tourne la t te avant de dispara tre compl tement dans l'escalier. MICHEL DOLL Plus fort... Paulette hausse la voix. PAULETTE Michel !... MICHEL DOLL Comme a ! Michel descend l'escalier. PAULETTE Michel !... Paulette a maintenant des larmes dans la voix. PAULETTE Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de son fr re, sur lequel le p re est toujours assis. On entend Paulette appeler du grenier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... Le p re se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Qu'est-ce qu'elle veut ? MICHEL DOLL Je sais pas, elle m'appelle. PAULETTE (voix off) Michel !... GEORGES DOLL Ah ! Faites-la taire, Bon Dieu ! LE P RE DOLL Allez, fais-la taire ! MICHEL DOLL Et mon probl me ? PAULETTE (voix off) Michel !... LE P RE DOLL Fais ce qu'on te dit. MICHEL DOLL Bon... je ferai pas mon probl me. Michel remonte l'escalier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Dans la p nombre, Michel s'approche du lit et se penche vers Paulette. PAULETTE J'y vois rien. MICHEL DOLL Ferme les yeux, compte jusqu' dix et tu verras... Combien j'ai de doigts ? Michel met sa main sous le nez de Paulette, qui s'est l g rement redress e, appuyant sa joue sur son poing ferm . PAULETTE Je te dis que je n'y vois rien. MICHEL DOLL Alors, tu sais pas compter. PAULETTE Trois ! MICHEL DOLL Tu vois bien qu'on y voit. Paulette tire la langue Michel. MICHEL DOLL Pourquoi tu me tires la langue ? PAULETTE Pour voir si tu y vois. La pi ce est brusquement clair e d'une vive lumi re, suivie du bruit d'un bombardement. Michel se l ve et se pr cipite vers la lucarne. MICHEL DOLL Oh ! Une fus e... Viens voir. Paulette se cache sous la couverture. PAULETTE J'ai peur, il faut se coucher par terre. Michel se tourne vers Paulette, toujours cach e sous sa couverture. MICHEL DOLL Tu as peur quand il fait noir, et puis tu as peur quand a claire ! Paulette sort la t te de sa couverture. PAULETTE a claire encore ? MICHEL DOLL Non. Une vive lumi re sort de la lucarne. Paulette se recache. PAULETTE Menteur !... Michel ferme le volet int rieur de la lucarne. MICHEL DOLL Bon... Voil ... La pi ce est tr s sombre tout coup. Michel se dirige vers le lit et soul ve la couverture, d couvrant le visage apeur de Paulette. MICHEL DOLL C'est fini, je te jure. Paulette se redresse l g rement, et s'appuie la joue sur la main. PAULETTE Je veux pas rester ici. MICHEL DOLL T'es bien forc e. O tu veux aller ? PAULETTE Je veux retrouver ma maman et mon papa... sur le pont. MICHEL DOLL Ils y sont plus sur le pont. PAULETTE Pourquoi ?.. O ils sont ? MICHEL DOLL Dans un trou. PAULETTE Dans un trou ? Michel semble g n . MICHEL DOLL Oui. PAULETTE Et hop ! Comme des chiens ? Michel semble surpris : il ne savait pas que Paulette, qu'il croyait endormie, avait entendu les r flexions stupides de son fr re. MICHEL DOLL Ben... oui... Paulette s'allonge sur son lit. PAULETTE A cause de la pluie... Dans un trou... Pour pas qu'ils soient mouill s ? MICHEL DOLL a doit tre pour a... PAULETTE Mais alors, mon chien... Michel... Il va tre mouill . Paulette ferme les yeux et s'endort. MICHEL DOLL Tu dors ?... Tu n'as plus peur ?... Je peux m'en aller ?... Il se l ve lentement et se dirige vers l'escalier, qu'il descend sur la pointe des pieds. FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Nous sommes au milieu de la nuit. Toute la famille Doll dort... et ronfle ! Michel et Raymond dorment dans le m me lit. Un papillon vole dans la pi ce. On suit son ombre projet e sur le mur par la lampe qui est rest e allum e sur la table de nuit de Georges qui, lui, ne dort pas. Le papillon, attir par la lumi re, finit par tomber dans le verre de la lampe p trole, o il meurt instantan ment. On entend Paulette crier : elle a certainement fait un cauchemar. Georges sursaute, et se tourne vers le lit de ses fr res. GEORGES DOLL Michel !... Michel, je te dis !... PAULETTE (pleurnichant en voix off) Papa !... Maman !... Maman !... Maman !... Comme Michel ne semble entendre, ni son fr re, ni Paulette, Georges attrape un paquet de petits beurres pos au milieu des m dicaments sur la table de nuit et le lance en direction de Michel. Michel re oit le paquet sur la t te et se r veille en sursaut en se frottant les yeux. Il semble un peu affol . Il porte une longue chemise de nuit rapi c e. MICHEL DOLL Qu'est-ce qu'il y a ? GEORGES DOLL Tu l'entend pas ? MICHEL DOLL Qui a ? GEORGES DOLL (d'une voix furieuse) Je veux pas qu'elle crie ! MICHEL DOLL Gueule pas comme a. Il se l ve, prend la lampe sur la table de nuit de son fr re et monte l'escalier. On entend Paulette g mir. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Michel s'assied sur le bord du lit, pr s de la t te de Paulette. Il lui caresse le front. MICHEL DOLL Pourquoi que tu cries ? T'as peur ? Paulette semble un peu absente. Elle n'est visiblement qu' moiti r veill e. PAULETTE Non. MICHEL DOLL Alors, faut pas crier comme a. PAULETTE Je crie pas. Paulette ferme les yeux. Michel recouvre soigneusement Paulette, qui s'est rendormie, le visage serein. Puis il redescend sans bruit. FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de Georges et repose la lampe sur la table de nuit. MICHEL DOLL a y est, je lui ai expliqu . Elle dort. GEORGES DOLL Et moi, je dors pas. MICHEL DOLL Si tu veux, moi non plus, je dormirai pas... Tu veux que je te lise le journal ? Georges hoche peine la t te. Michel rapproche une chaise du lit, prend le journal que le p re a laiss sur le lit, et demande : MICHEL DOLL Qu'est-ce que je te lis ?... La guerre ?... GEORGES DOLL Ah non ! Pas la guerre ! Le feuilleton. MICHEL DOLL Il tait encore trop t t pour donner le signal du d part. N anmoins, ceux des compagnons qui devaient faire la route cheval... Georges l ve la main. GEORGES DOLL Parle pas de cheval. MICHEL DOLL Bon, je te lis apr s... Et pourtant, toutes les pr cautions avaient t prises l'ext rieur de l'ha... l'ha...cienda... Les deux fr res font une petite moue, car ni l'un, ni l'autre, ne semble comprendre ce mot tranger. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR JOUR Le lendemain matin. Michel est assis table et boit son bol de lait. En face de lui, Berthe coupe des morceaux de pain et les d pose dans un bol. Derri re Michel, la m re est en train de refaire son lit. Le coq chante et Georges g mit faiblement dans son lit. Michel se l ve et contourne la table. MICHEL DOLL Paulette !... Il s'essuie la bouche sur un torchon pos sur la table et se dirige vers l'escalier, devant lequel il s'arr te. Il l ve la t te. MICHEL DOLL T'es pas encore lev e ? PAULETTE (voix off provenant du grenier) Je m'habille. MICHEL DOLL D p che-toi. LA M RE DOLL (voix off du fond de la pi ce) Criez pas si fort.. Vous voyez bien qu'il y a un malade. Paulette descend l'escalier en enfilant sa robe, et accompagn e du chien. Arriv e en bas, elle se dirige vers le lit de Georges, qui toussote. PAULETTE Oh !... Qu'est-ce qu'il a, le monsieur ? Georges caresse doucement la joue de Paulette qui continue s'habiller. LA M RE DOLL (voix off) Il a re u un coup de pied de cheval. Paulette pointe le doigt vers le crucifix accroch au mur au- dessus du lit. PAULETTE Qu'est-ce que c'est, a ? LA M RE DOLL (voix off) C'est le Bon Dieu. La m re semble choqu e par la question de la fillette et s'approche d'elle. LA M RE DOLL T'en as jamais vu ? PAULETTE Si, mais je savais pas ce que c' tait. La m re s'approche de Paulette et la pousse vers la table. LA M RE DOLL Viens boire ton lait. Michel, qui s'est rassis table devant son bol, sourit Paulette. MICHEL DOLL Bonjour. La m re assoit Paulette c t de Berthe, qui verse du lait dans le bol de la fillette, qui sourit Michel. LA M RE DOLL Elle sait pas ce que c'est que le Bon Dieu. Georges se redresse de son oreiller, et dit, d'une voix peu AIMABLE : GEORGES DOLL J'ai soif. La m re est en train de coiffer Paulette. Berthe regarde sa m re. BERTHE DOLL C'est se demander d'o elle sort. (A PAULETTE) D'o tu viens ? Michel baisse son bol pour r pondre. MICHEL DOLL C'est une parisienne. LA M RE DOLL Pauvre gosse ! BERTHE DOLL Faudra la faire baptiser. LA M RE DOLL Ben, en attendant, faut la d clarer au maire.. Ils nous accuseraient bien de l'avoir vol e. Elle verse du vin dans un verre. BERTHE DOLL C'est pas au maire qu'il faut aller. C'est aux gendarmes. LA M RE DOLL Mairerie ou gendarmerie, y faut leur dire. Elle repose la bouteille sur la table et se dirige vers le lit de Georges. MICHEL DOLL J'irai, moi, aux gendarmes. LA M RE DOLL (voix off) Toi, occupe-toi de tes vaches. Berthe finit de coiffer Paulette, qui sourit Michel. Michel se l ve et se tourne vers Paulette. MICHEL DOLL Tu viens avec moi ? Paulette r cup re les morceaux de pain dans son bol et les mange. PAULETTE Attends, j'ai pas fini. Michel ouvre la porte et sort. Paulette continue manger tranquillement. Raymond entre, poussant un vieux v lo, qu'il d pose contre le mur. Il a, sur la t te, un chapeau feutre gris. Il tient quelque chose cach derri re son dos. Il s'approche du lit de Georges. RAYMOND DOLL Regarde !... Georges se redresse sur son lit. RAYMOND DOLL Regarde ce qu'ils l chent sur la route, les Parisiens. Il enl ve le feutre, et, la place, pose sur sa t te un l gant chapeau noir bords roul s, celui qu'il cachait derri re son dos. Il fait le pitre. Georges rit malgr sa douleur, surtout lorsque son fr re met le chapeau de travers, en singeant Napol on, une main gliss e dans l' chancrure de sa chemise. GEORGES DOLL Me fais pas rire... Me fait pas rire... a me fait mal. Raymond met le chapeau sur la t te de Georges, qui ne peut s'emp cher de continuer rire, malgr la douleur qui lui tiraille le ventre. RAYMOND DOLL Tiens !... Comme a, tu le verras pas. GEORGES DOLL Me fait pas rire... Oh ! Bon Dieu, j'ai mal ! Il se recouche. La m re s'approche du lit. LA M RE DOLL Et le docteur ? RAYMOND DOLL Ah oui, le docteur. Mobilis l'h pital. C'est la cause au bombardements. GEORGES DOLL Ce que j'ai besoin, c'est pas le docteur, c'est les pompes fun bres. RAYMOND DOLL T'en fais pas... Y a toujours le vieux corbillard... En le reclouant un peu. Les deux fr res rient ensemble, et Georges plus fort que Raymond. FONDU ENCHAIN CHEMIN LONGEANT RUISSEAU - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers l'endroit o elle a, la veille, d pos le cadavre de son chien, une petite binette la main. NOTE La sc ne suivante, pr sente dans la toute premi re version originale du film, a t coup e dans toutes les copies pr sent es ult rieurement. Peut- tre a-t-on estim que de montrer Paulette en train de faire danser le cadavre de son chien tait un peu trop macabre. Paulette tient son chien par les pattes de devant, pour le faire tenir debout sur les pattes arri re. La binette est pos e c t d'elle. PAULETTE Fais le beau ! Elle essaie de le faire danser, puis, tout coup, elle le laisse retomber par terre. Elle soul ve sa robe et regarde un insecte qui grimpe sur sa jambe. L'insecte s'envole et va se poser sur une fleur de liseron. Elle veut cueillir la fleur, mais tirant un peu trop fort, c'est toute une guirlande de liseron qu'elle arrache. Elle se tourne vers le chien, puis, apr s un instant d'h sitation, elle lui entoure le cou avec la guirlande de liseron. Elle le soul ve de nouveau par les pattes de devant. PAULETTE Fais le beau ! Danse ! Elle danse avec le chien en chantonnant. Puis, lass par ce jeu, elle s'arr te, repose le chien, prend la binette et commence creuser. NOTE Retour la version normale du film, telle qu'elle est pr sent e dans toutes les copies existantes. Paulette s'agenouille pr s du cadavre de son chien, pos sur l'herbe. Elle pose la binette c te du chien et le caresse d licatement. Puis elle se caresse la joue, comme elle l'avait fait apr s avoir caress la joue de sa m re d c d e. Elle d place l g rement le chien, prend la binette et commence creuser. Tout coup, elle tourne la t te, car elle vient d'entendre un bruit de sonnette. Le cur du village arrive sur sa bicyclette, et se dirige vers la rivi re, et vers Paulette. Paulette pose sa binette et ramasse son chien. Le cur descend de v lo, terminant pied, le v lo la main, le petit raidillon qui descend vers le ruisseau. Paulette met le chien derri re son dos et le maintient en place avec ses deux mains. Le cur porte son v lo pour traverser le ruisseau. Puis, arriv sur l'autre rive, il le repose et s'approche de Paulette. LE CUR Je ne te connais pas, moi ?... Tu n'es pas d'ici ? Paulette recule de fa on se plaquer le dos contre un arbre, tenant toujours, deux mains, le chien cach derri re elle. Elle regarde le cur d'un air inquiet et m fiant. Ce dernier sourit, et se penche vers Paulette, appuy sur son v lo. LE CUR Tu as perdu ta langue ? Paulette fait non de la t te. LE CUR O habites-tu ? PAULETTE Chez Monsieur Doll . Papa est mort, et maman aussi. LE CUR Pauvre enfant... Leur as-tu dis une pri re, au moins ? Paulette fait non de la t te. LE CUR Tu ne veux pas en dire une ? PAULETTE Je sais pas quoi dire. LE CUR Il faut apprendre... Mets tes mains comme ceci. Le cur joint les mains. Paulette regarde les mains du cur , mais ne bouge pas. LE CUR Non ?... Alors, r p te : Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. PAULETTE Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. Le cur fait le signe de la croix. LE CUR Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Paulette r p te la phrase du cur , mais sans se signer. PAULETTE Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. LE CUR Fais comme moi. Le cur refait un signe de croix. LE CUR Tu ne veux pas ? Michel t'apprendra... Il apprend bien son cat chisme, Michel. Au nom de Michel, Paulette esquisse un sourire. Le cur s' loigne en poussant sa bicyclette. Paulette le regarde partir, tenant toujours son chien cach derri re son dos. Lorsqu'elle estime que la voix est libre, elle se d gage de l'arbre. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel s'avance travers bois, mais il ne voit pas Paulette. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette ne lui r pond pas. Elle prend son chien dans ses bras, ramasse sa binette, et s' loigne du ruisseau. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel continue chercher dans la for t. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette traverse le ruisseau et marche le long de la berge. Michel continue chercher. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers un vieux moulin eau d saffect , mais dont la b tisse semble encore solide. Elle entre l'int rieur du moulin. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette entre dans le moulin. Au fond du moulin, la grande roue, totalement immobile. Paulette cherche un endroit pour enterrer son chien. CHEMIN LONGEANT RIVI RE - EXT RIEUR JOUR Michel se dirige vers le moulin. On aper oit une autre roue, elle aussi immobile, l'ext rieur du moulin. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette pose son chien et commence creuser le sol en terre battue. Derri re elle, Michel entre dans le moulin. MICHEL DOLL Paulette !... Michel s'approche de Paulette. MICHEL DOLL Ah ! Dis... Qu'est-ce que tu fais l ? PAULETTE a ne te regarde pas. MICHEL DOLL Je te cherche partout... Tu fais un trou ? Elle ne lui r pond pas et continue creuser. MICHEL DOLL Ah !... C'est pour ton chien. Donne... Il cherche lui prendre la binette des mains, mais elle r siste un peu. MICHEL DOLL Donne... c'est trop dur... Elle finit par c der, et Michel se met creuser un peu plus nergiquement que Paulette. Apr s quelques coups de binette, il s'arr te de creuser et regarde Paulette. MICHEL DOLL a, c'est une id e... On va faire un beau petit cimeti re. PAULETTE Qu'est-ce que c'est qu'un cimeti re ? MICHEL DOLL C'est l qu'on met les morts pour qu'ils soient tous ensemble. PAULETTE Pourquoi on les met ensemble ? MICHEL DOLL Pour pas qu'ils s'emb tent. PAULETTE Mais alors, mon chien, il va s'emb ter, tout seul ? Michel r fl chit une seconde et hausse les paules. MICHEL DOLL Ben... oui... PAULETTE Faudra lui en trouver un autre ! MICHEL DOLL Un autre chien... a, c'est difficile. Un bruissement d'ailes fait lever la t te de Michel. Paulette regarde dans la direction o regarde Michel. Dans la charpente du moulin, un hibou, pos sur une poutre, semble observer les enfants. PAULETTE Qu'est-ce que c'est ? MICHEL DOLL C'est Monsieur le Maire. PAULETTE Pourquoi ? MICHEL DOLL C'est son nom... c'est un hibou. PAULETTE C'est m chant ? MICHEL DOLL Non, a roupille tout le temps... Tu vas voir. Michel se dirige vers une chelle qui permet d'acc der au hibou. PAULETTE Faut pas le tuer. MICHEL DOLL Penses-tu ! a serait m me pas la peine, a vit cent ans. Paulette fait une petite moue, semblant incapable de r aliser ce que repr sente cent ans. PAULETTE Cent ans !... Michel grimpe vers le hibou. Paulette d pose son chien dans le trou creus par Michel, puis commence le recouvrir de terre. Tout en travaillant, elle r cite la pri re que lui a apprise le cur . A chaque fois qu'elle dit Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit , elle fait un rapide signe de croix. MICHEL DOLL Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Michel atteint le nid du hibou sur la poutre. On entend, de loin, Paulette qui continue psalmodier ses Que le Bon Dieu... etc. MICHEL DOLL Toi, ne bouge pas... Michel glisse la main derri re le hibou, dans son nid. Il sort une taupe morte qu'il tient par la queue. MICHEL DOLL Je t'en donnerai une autre. Michel redescend vers Paulette, en tenant la taupe par la queue. Il a maintenant atteint le bas de l' chelle. Il s'approche de Paulette, tenant toujours la taupe par la queue. Paulette continue psalmodier ses pri res tout en comblant la tombe de son chien. MICHEL DOLL J'ai une taupe !... Une belle !... Paulette se redresse et regarde la taupe. PAULETTE Il en faudra d'autres. MICHEL DOLL C'est pas ce qui manque, les taupes. La voix de Paulette se fait presque geignante lorsqu'elle dit : PAULETTE Des chats... Michel, lui, num re, sur un timbre de voix nettement plus pos : MICHEL DOLL Des h rissons, des l zards... Paulette n'est visiblement plus dans son tat normal. PAULETTE Des chevaux, des vaches... MICHEL DOLL Des serpents sonnette. PAULETTE Des lions. MICHEL DOLL Des tigres. Paulette a presque des sanglots dans la voix lorsqu'elle dit : PAULETTE Des gens !... Paulette a le souffle un peu court. Michel a l'air un peu surpris par les derniers mots de Paulette. MICHEL DOLL Si tu veux... Et puis on leur mettra des croix. Michel reprend la binette, et creuse un autre trou pour la taupe. Paulette s'est accroupie pour le regarder creuser. PAULETTE Pourquoi des croix ? MICHEL DOLL Ben dis donc !... Qu'est-ce qu'ils t'ont appris, tes parents ?... Tu vas voir. Il pose la binette, prend un morceau de bois, qu'il casse en deux, et en fait une croix, qu'il lie avec du fil de fer. MICHEL DOLL Regarde... Tiens... Regarde... L ... C'est a, une croix. Il plante la croix sur la tombe du chien. PAULETTE C'est le Bon Dieu. MICHEL DOLL Ben oui... C'est le Bon Dieu. PAULETTE Attends. Elle sort un collier de sa poche. MICHEL DOLL Il est joli, ton collier. PAULETTE Il est cass . Elle entoure la croix de son collier. Michel semble ravi. MICHEL DOLL C'est mieux. Il arrange le collier autour de la croix. PAULETTE Oui... mais il y en a une plus belle au-dessus de ton fr re. MICHEL DOLL Tu la trouves belle, toi ? Paulette fait oui de la t te. MICHEL DOLL Je t'en ferai des encore mieux, moi. Avec des clous et un marteau. D'un grand geste des bras, il d signe toute la pi ce. MICHEL DOLL Et on en foutra partout ! FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR JOUR Michel est assis par terre les jambes cart es. Ils cloue deux lattes de bois ensemble en forme de croix.(...TRUNCATED)
quite
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!... LE P RE DOLL Vous lui faites peur tourner autour. C'est pas une b te curieuse. Allez, faut faire un peu semblant de ne pas s'occuper d'elle. Tous s' loignent de Paulette, sauf Michel. Paulette, qui a toujours sa tranche de pain la main, se tourne vers Michel. PAULETTE Michel, je suis fatigu e. Michel soul ve Paulette, un peu difficilement, mais avec beaucoup de tendresse, et la d pose sur un lit voisin. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Un peu plus tard. Le p re est assis sur l'un des deux bancs qui longent la grande table, avec Paulette endormie sur les genoux. En face de lui, sur l'autre banc, Michel fait ses devoirs. Raymond, assis dans un fauteuil, bricole un morceau de bois. Le p re lit le journal d pli devant lui, et en appui sur une bouteille. Une lampe p trole, pos e sur la table, claire la sc ne. LE P RE DOLL La situation militaire s' tait brusquement aggrav e sur tous les fronts au cours de la journ e d'hier. Les ministres ont si g en permanence. RAYMOND DOLL Ah ! Tu vois ! LE P RE DOLL Ouais... Paulette, toujours dans les bras du p re Doll , ouvre un oeil et regarde Michel. Celui-ci fait le pitre en calant un crayon sous son nez, comme une moustache. Pendant que le p re reprend sa lecture, Paulette fait semblant de se rendormir en fermant les yeux. Michel pose le crayon, fait une petite boulette de papier et l'envoie en direction de Paulette. LE P RE DOLL A Bucarest, le Cabinet Tata...res, ou... . a, je m'en fous... La r sistance de nos troupes reste souple et efficace... L'archev que de Westminter (il prononce la fran aise : veste-munster) ordonne... Le p re s'arr te net de lire, car il vient de recevoir, dans la figure, le projectile destin Paulette. Il se frotte le nez et se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Fais ton probl me Par-dessus l' paule du p re, on peut lire le journal qu'il lit. Il s'agit de La Montagne . A la une du journal, le gros titre suivant : Reynaud d missionne. P tain lui succ de. Michel a repris son probl me, dont il fait profiter tout le monde. MICHEL DOLL Un r ti de veau de deux kilos cinq a co t cent quarante- deux francs. LE P RE DOLL Alerte sur Malte... Tiens !... MICHEL DOLL Combien co terait, ce prix, une escalope de veau de cent cinquante grammes. Berthe, qui descend l'escalier du grenier, un oreiller sous le bras, arrive derri re Michel et regarde le dos du journal, toujours appuy sur la bouteille. BERTHE DOLL Ah ! Dis donc ! Le p re regarde Paulette. LE P RE DOLL La r veille pas. Berthe rel ve la t te. BERTHE DOLL Le fils Gouard... LE P RE DOLL Le fils Gouard ? Le p re retourne le journal. Et sur la derni re page, on voit la photo d'un soldat, entre les rubriques Echos et Faits Divers . Raymond s'approche du journal RAYMOND DOLL T'es folle, ben pourquoi il serait sur le journal, le fils Gouard ? BERTHE DOLL Et pourquoi pas ? Si on l'a d cor ! RAYMOND DOLL D cor ? Le Francis ? Et bien, a me ferait bien mal. BERTHE DOLL En tous cas, il y est, lui, la guerre ! Le p re replie son journal et regarde sa fille d'un air visiblement nerv . LE P RE DOLL T'as pas parler du fils Gouard... Qu'est-ce que tu veux ? BERTHE DOLL Une couverture pour la gosse. LA M RE DOLL Prends-la... Ben prends-la Raymond. Raymond se pr cipite vers son lit et s'assoit dessus. Derri re la m re Doll , on aper oit Ren e, la fille cadette, qui essuie la vaisselle. RAYMOND DOLL Oh ! Pardon !... Moi, j'en ai pas de trop... Michel se tourne vers Berthe. MICHEL DOLL Prends la mienne... Raymond se l ve du lit. RAYMOND DOLL C'est pareil, on a le m me lit ! MICHEL DOLL Alors, j'ai le droit de la donner. Raymond regarde, d'un air penaud, sa soeur prendre la couverture. RAYMOND DOLL Oh !... Ben non alors ! Michel retourne vers ses devoirs. Le p re regarde Paulette endormie avec une certaine tendresse. LE P RE DOLL Pauvre gosse ! LA M RE DOLL A cet ge-l , a se rend pas compte. RAYMOND DOLL Dix-sept, il en est mort, rien qu'aujourd'hui sur le pont, et c t ... Ils n'ont m me plus de cercueil pour les enterrer. Le p re se tourne vers Georges. LE P RE DOLL Tu vois, c'est pas le moment de mourir, t'auras m me pas de bo te ! GEORGES DOLL Qu'est-ce qu'on en fait, des morts ? RAYMOND DOLL On fait un trou, et hop !... comme des chiens. Le p re se penche sur Paulette, qui semble toujours endormie sur ses genoux. LE P RE DOLL Chut !... C'est pas des choses raconter. LA M RE DOLL Mais elle dort... Le p re regarde tendrement Paulette, qu'il tend d licatement la m re. LE P RE DOLL Allez... Celle-ci la prend dans ses bras, et commence monter l'escalier, suivie par Ren e et Michel, qui sourit. Le p re ramasse son journal, se l ve, et se dirige vers Georges. LE P RE DOLL T'as vu ? Il s'assoit sur bord du lit. Georges semble souffrir tellement qu'il ne s'aper oit m me pas de sa pr sence. LE P RE DOLL Un side-car allemand tomb aux mains de nos troupes... Regarde. Il tend le journal Georges, qui soupire sans le regarder. LE P RE DOLL T'as mal ? GEORGES DOLL Ouais !... Oh ! Je sais pas. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Berthe pr pare le lit de Paulette, pendant que la m re la d shabille. Paulette, debout, se frotte les yeux. Michel regarde la sc ne. BERTHE DOLL Ce qu'elle est propre !... Ren e lui sent la chevelure REN E DOLL On dirait du parfum. Berthe la sent son tour. BERTHE DOLL Ben non, c'est qui sont propres. REN E DOLL Elle ne s'habituera jamais ici. La m re couche Paulette sur le lit. MICHEL DOLL Pourquoi qu'elle s'habituerait pas ? La m re borde le lit, aid e par Berthe. LA M RE DOLL Tu voudrais bien la garder, toi, hein ? Elle se tourne vers ses enfants. LA M RE DOLL Allez, hop ! Descendez ! Elle prend la lampe p trole et descend l'escalier, en poussant ses filles devant elle. Michel ferme la marche. Paulette se retourne dans son lit. PAULETTE J'ai peur... Je ne veux pas rester dans le noir. MICHEL DOLL T'auras qu' crier Michel. Je reviendrais. Il continue descendre. Paulette chuchote : PAULETTE Michel !... Michel tourne la t te avant de dispara tre compl tement dans l'escalier. MICHEL DOLL Plus fort... Paulette hausse la voix. PAULETTE Michel !... MICHEL DOLL Comme a ! Michel descend l'escalier. PAULETTE Michel !... Paulette a maintenant des larmes dans la voix. PAULETTE Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de son fr re, sur lequel le p re est toujours assis. On entend Paulette appeler du grenier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... Le p re se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Qu'est-ce qu'elle veut ? MICHEL DOLL Je sais pas, elle m'appelle. PAULETTE (voix off) Michel !... GEORGES DOLL Ah ! Faites-la taire, Bon Dieu ! LE P RE DOLL Allez, fais-la taire ! MICHEL DOLL Et mon probl me ? PAULETTE (voix off) Michel !... LE P RE DOLL Fais ce qu'on te dit. MICHEL DOLL Bon... je ferai pas mon probl me. Michel remonte l'escalier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Dans la p nombre, Michel s'approche du lit et se penche vers Paulette. PAULETTE J'y vois rien. MICHEL DOLL Ferme les yeux, compte jusqu' dix et tu verras... Combien j'ai de doigts ? Michel met sa main sous le nez de Paulette, qui s'est l g rement redress e, appuyant sa joue sur son poing ferm . PAULETTE Je te dis que je n'y vois rien. MICHEL DOLL Alors, tu sais pas compter. PAULETTE Trois ! MICHEL DOLL Tu vois bien qu'on y voit. Paulette tire la langue Michel. MICHEL DOLL Pourquoi tu me tires la langue ? PAULETTE Pour voir si tu y vois. La pi ce est brusquement clair e d'une vive lumi re, suivie du bruit d'un bombardement. Michel se l ve et se pr cipite vers la lucarne. MICHEL DOLL Oh ! Une fus e... Viens voir. Paulette se cache sous la couverture. PAULETTE J'ai peur, il faut se coucher par terre. Michel se tourne vers Paulette, toujours cach e sous sa couverture. MICHEL DOLL Tu as peur quand il fait noir, et puis tu as peur quand a claire ! Paulette sort la t te de sa couverture. PAULETTE a claire encore ? MICHEL DOLL Non. Une vive lumi re sort de la lucarne. Paulette se recache. PAULETTE Menteur !... Michel ferme le volet int rieur de la lucarne. MICHEL DOLL Bon... Voil ... La pi ce est tr s sombre tout coup. Michel se dirige vers le lit et soul ve la couverture, d couvrant le visage apeur de Paulette. MICHEL DOLL C'est fini, je te jure. Paulette se redresse l g rement, et s'appuie la joue sur la main. PAULETTE Je veux pas rester ici. MICHEL DOLL T'es bien forc e. O tu veux aller ? PAULETTE Je veux retrouver ma maman et mon papa... sur le pont. MICHEL DOLL Ils y sont plus sur le pont. PAULETTE Pourquoi ?.. O ils sont ? MICHEL DOLL Dans un trou. PAULETTE Dans un trou ? Michel semble g n . MICHEL DOLL Oui. PAULETTE Et hop ! Comme des chiens ? Michel semble surpris : il ne savait pas que Paulette, qu'il croyait endormie, avait entendu les r flexions stupides de son fr re. MICHEL DOLL Ben... oui... Paulette s'allonge sur son lit. PAULETTE A cause de la pluie... Dans un trou... Pour pas qu'ils soient mouill s ? MICHEL DOLL a doit tre pour a... PAULETTE Mais alors, mon chien... Michel... Il va tre mouill . Paulette ferme les yeux et s'endort. MICHEL DOLL Tu dors ?... Tu n'as plus peur ?... Je peux m'en aller ?... Il se l ve lentement et se dirige vers l'escalier, qu'il descend sur la pointe des pieds. FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Nous sommes au milieu de la nuit. Toute la famille Doll dort... et ronfle ! Michel et Raymond dorment dans le m me lit. Un papillon vole dans la pi ce. On suit son ombre projet e sur le mur par la lampe qui est rest e allum e sur la table de nuit de Georges qui, lui, ne dort pas. Le papillon, attir par la lumi re, finit par tomber dans le verre de la lampe p trole, o il meurt instantan ment. On entend Paulette crier : elle a certainement fait un cauchemar. Georges sursaute, et se tourne vers le lit de ses fr res. GEORGES DOLL Michel !... Michel, je te dis !... PAULETTE (pleurnichant en voix off) Papa !... Maman !... Maman !... Maman !... Comme Michel ne semble entendre, ni son fr re, ni Paulette, Georges attrape un paquet de petits beurres pos au milieu des m dicaments sur la table de nuit et le lance en direction de Michel. Michel re oit le paquet sur la t te et se r veille en sursaut en se frottant les yeux. Il semble un peu affol . Il porte une longue chemise de nuit rapi c e. MICHEL DOLL Qu'est-ce qu'il y a ? GEORGES DOLL Tu l'entend pas ? MICHEL DOLL Qui a ? GEORGES DOLL (d'une voix furieuse) Je veux pas qu'elle crie ! MICHEL DOLL Gueule pas comme a. Il se l ve, prend la lampe sur la table de nuit de son fr re et monte l'escalier. On entend Paulette g mir. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Michel s'assied sur le bord du lit, pr s de la t te de Paulette. Il lui caresse le front. MICHEL DOLL Pourquoi que tu cries ? T'as peur ? Paulette semble un peu absente. Elle n'est visiblement qu' moiti r veill e. PAULETTE Non. MICHEL DOLL Alors, faut pas crier comme a. PAULETTE Je crie pas. Paulette ferme les yeux. Michel recouvre soigneusement Paulette, qui s'est rendormie, le visage serein. Puis il redescend sans bruit. FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de Georges et repose la lampe sur la table de nuit. MICHEL DOLL a y est, je lui ai expliqu . Elle dort. GEORGES DOLL Et moi, je dors pas. MICHEL DOLL Si tu veux, moi non plus, je dormirai pas... Tu veux que je te lise le journal ? Georges hoche peine la t te. Michel rapproche une chaise du lit, prend le journal que le p re a laiss sur le lit, et demande : MICHEL DOLL Qu'est-ce que je te lis ?... La guerre ?... GEORGES DOLL Ah non ! Pas la guerre ! Le feuilleton. MICHEL DOLL Il tait encore trop t t pour donner le signal du d part. N anmoins, ceux des compagnons qui devaient faire la route cheval... Georges l ve la main. GEORGES DOLL Parle pas de cheval. MICHEL DOLL Bon, je te lis apr s... Et pourtant, toutes les pr cautions avaient t prises l'ext rieur de l'ha... l'ha...cienda... Les deux fr res font une petite moue, car ni l'un, ni l'autre, ne semble comprendre ce mot tranger. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR JOUR Le lendemain matin. Michel est assis table et boit son bol de lait. En face de lui, Berthe coupe des morceaux de pain et les d pose dans un bol. Derri re Michel, la m re est en train de refaire son lit. Le coq chante et Georges g mit faiblement dans son lit. Michel se l ve et contourne la table. MICHEL DOLL Paulette !... Il s'essuie la bouche sur un torchon pos sur la table et se dirige vers l'escalier, devant lequel il s'arr te. Il l ve la t te. MICHEL DOLL T'es pas encore lev e ? PAULETTE (voix off provenant du grenier) Je m'habille. MICHEL DOLL D p che-toi. LA M RE DOLL (voix off du fond de la pi ce) Criez pas si fort.. Vous voyez bien qu'il y a un malade. Paulette descend l'escalier en enfilant sa robe, et accompagn e du chien. Arriv e en bas, elle se dirige vers le lit de Georges, qui toussote. PAULETTE Oh !... Qu'est-ce qu'il a, le monsieur ? Georges caresse doucement la joue de Paulette qui continue s'habiller. LA M RE DOLL (voix off) Il a re u un coup de pied de cheval. Paulette pointe le doigt vers le crucifix accroch au mur au- dessus du lit. PAULETTE Qu'est-ce que c'est, a ? LA M RE DOLL (voix off) C'est le Bon Dieu. La m re semble choqu e par la question de la fillette et s'approche d'elle. LA M RE DOLL T'en as jamais vu ? PAULETTE Si, mais je savais pas ce que c' tait. La m re s'approche de Paulette et la pousse vers la table. LA M RE DOLL Viens boire ton lait. Michel, qui s'est rassis table devant son bol, sourit Paulette. MICHEL DOLL Bonjour. La m re assoit Paulette c t de Berthe, qui verse du lait dans le bol de la fillette, qui sourit Michel. LA M RE DOLL Elle sait pas ce que c'est que le Bon Dieu. Georges se redresse de son oreiller, et dit, d'une voix peu AIMABLE : GEORGES DOLL J'ai soif. La m re est en train de coiffer Paulette. Berthe regarde sa m re. BERTHE DOLL C'est se demander d'o elle sort. (A PAULETTE) D'o tu viens ? Michel baisse son bol pour r pondre. MICHEL DOLL C'est une parisienne. LA M RE DOLL Pauvre gosse ! BERTHE DOLL Faudra la faire baptiser. LA M RE DOLL Ben, en attendant, faut la d clarer au maire.. Ils nous accuseraient bien de l'avoir vol e. Elle verse du vin dans un verre. BERTHE DOLL C'est pas au maire qu'il faut aller. C'est aux gendarmes. LA M RE DOLL Mairerie ou gendarmerie, y faut leur dire. Elle repose la bouteille sur la table et se dirige vers le lit de Georges. MICHEL DOLL J'irai, moi, aux gendarmes. LA M RE DOLL (voix off) Toi, occupe-toi de tes vaches. Berthe finit de coiffer Paulette, qui sourit Michel. Michel se l ve et se tourne vers Paulette. MICHEL DOLL Tu viens avec moi ? Paulette r cup re les morceaux de pain dans son bol et les mange. PAULETTE Attends, j'ai pas fini. Michel ouvre la porte et sort. Paulette continue manger tranquillement. Raymond entre, poussant un vieux v lo, qu'il d pose contre le mur. Il a, sur la t te, un chapeau feutre gris. Il tient quelque chose cach derri re son dos. Il s'approche du lit de Georges. RAYMOND DOLL Regarde !... Georges se redresse sur son lit. RAYMOND DOLL Regarde ce qu'ils l chent sur la route, les Parisiens. Il enl ve le feutre, et, la place, pose sur sa t te un l gant chapeau noir bords roul s, celui qu'il cachait derri re son dos. Il fait le pitre. Georges rit malgr sa douleur, surtout lorsque son fr re met le chapeau de travers, en singeant Napol on, une main gliss e dans l' chancrure de sa chemise. GEORGES DOLL Me fais pas rire... Me fait pas rire... a me fait mal. Raymond met le chapeau sur la t te de Georges, qui ne peut s'emp cher de continuer rire, malgr la douleur qui lui tiraille le ventre. RAYMOND DOLL Tiens !... Comme a, tu le verras pas. GEORGES DOLL Me fait pas rire... Oh ! Bon Dieu, j'ai mal ! Il se recouche. La m re s'approche du lit. LA M RE DOLL Et le docteur ? RAYMOND DOLL Ah oui, le docteur. Mobilis l'h pital. C'est la cause au bombardements. GEORGES DOLL Ce que j'ai besoin, c'est pas le docteur, c'est les pompes fun bres. RAYMOND DOLL T'en fais pas... Y a toujours le vieux corbillard... En le reclouant un peu. Les deux fr res rient ensemble, et Georges plus fort que Raymond. FONDU ENCHAIN CHEMIN LONGEANT RUISSEAU - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers l'endroit o elle a, la veille, d pos le cadavre de son chien, une petite binette la main. NOTE La sc ne suivante, pr sente dans la toute premi re version originale du film, a t coup e dans toutes les copies pr sent es ult rieurement. Peut- tre a-t-on estim que de montrer Paulette en train de faire danser le cadavre de son chien tait un peu trop macabre. Paulette tient son chien par les pattes de devant, pour le faire tenir debout sur les pattes arri re. La binette est pos e c t d'elle. PAULETTE Fais le beau ! Elle essaie de le faire danser, puis, tout coup, elle le laisse retomber par terre. Elle soul ve sa robe et regarde un insecte qui grimpe sur sa jambe. L'insecte s'envole et va se poser sur une fleur de liseron. Elle veut cueillir la fleur, mais tirant un peu trop fort, c'est toute une guirlande de liseron qu'elle arrache. Elle se tourne vers le chien, puis, apr s un instant d'h sitation, elle lui entoure le cou avec la guirlande de liseron. Elle le soul ve de nouveau par les pattes de devant. PAULETTE Fais le beau ! Danse ! Elle danse avec le chien en chantonnant. Puis, lass par ce jeu, elle s'arr te, repose le chien, prend la binette et commence creuser. NOTE Retour la version normale du film, telle qu'elle est pr sent e dans toutes les copies existantes. Paulette s'agenouille pr s du cadavre de son chien, pos sur l'herbe. Elle pose la binette c te du chien et le caresse d licatement. Puis elle se caresse la joue, comme elle l'avait fait apr s avoir caress la joue de sa m re d c d e. Elle d place l g rement le chien, prend la binette et commence creuser. Tout coup, elle tourne la t te, car elle vient d'entendre un bruit de sonnette. Le cur du village arrive sur sa bicyclette, et se dirige vers la rivi re, et vers Paulette. Paulette pose sa binette et ramasse son chien. Le cur descend de v lo, terminant pied, le v lo la main, le petit raidillon qui descend vers le ruisseau. Paulette met le chien derri re son dos et le maintient en place avec ses deux mains. Le cur porte son v lo pour traverser le ruisseau. Puis, arriv sur l'autre rive, il le repose et s'approche de Paulette. LE CUR Je ne te connais pas, moi ?... Tu n'es pas d'ici ? Paulette recule de fa on se plaquer le dos contre un arbre, tenant toujours, deux mains, le chien cach derri re elle. Elle regarde le cur d'un air inquiet et m fiant. Ce dernier sourit, et se penche vers Paulette, appuy sur son v lo. LE CUR Tu as perdu ta langue ? Paulette fait non de la t te. LE CUR O habites-tu ? PAULETTE Chez Monsieur Doll . Papa est mort, et maman aussi. LE CUR Pauvre enfant... Leur as-tu dis une pri re, au moins ? Paulette fait non de la t te. LE CUR Tu ne veux pas en dire une ? PAULETTE Je sais pas quoi dire. LE CUR Il faut apprendre... Mets tes mains comme ceci. Le cur joint les mains. Paulette regarde les mains du cur , mais ne bouge pas. LE CUR Non ?... Alors, r p te : Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. PAULETTE Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. Le cur fait le signe de la croix. LE CUR Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Paulette r p te la phrase du cur , mais sans se signer. PAULETTE Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. LE CUR Fais comme moi. Le cur refait un signe de croix. LE CUR Tu ne veux pas ? Michel t'apprendra... Il apprend bien son cat chisme, Michel. Au nom de Michel, Paulette esquisse un sourire. Le cur s' loigne en poussant sa bicyclette. Paulette le regarde partir, tenant toujours son chien cach derri re son dos. Lorsqu'elle estime que la voix est libre, elle se d gage de l'arbre. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel s'avance travers bois, mais il ne voit pas Paulette. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette ne lui r pond pas. Elle prend son chien dans ses bras, ramasse sa binette, et s' loigne du ruisseau. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel continue chercher dans la for t. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette traverse le ruisseau et marche le long de la berge. Michel continue chercher. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers un vieux moulin eau d saffect , mais dont la b tisse semble encore solide. Elle entre l'int rieur du moulin. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette entre dans le moulin. Au fond du moulin, la grande roue, totalement immobile. Paulette cherche un endroit pour enterrer son chien. CHEMIN LONGEANT RIVI RE - EXT RIEUR JOUR Michel se dirige vers le moulin. On aper oit une autre roue, elle aussi immobile, l'ext rieur du moulin. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette pose son chien et commence creuser le sol en terre battue. Derri re elle, Michel entre dans le moulin. MICHEL DOLL Paulette !... Michel s'approche de Paulette. MICHEL DOLL Ah ! Dis... Qu'est-ce que tu fais l ? PAULETTE a ne te regarde pas. MICHEL DOLL Je te cherche partout... Tu fais un trou ? Elle ne lui r pond pas et continue creuser. MICHEL DOLL Ah !... C'est pour ton chien. Donne... Il cherche lui prendre la binette des mains, mais elle r siste un peu. MICHEL DOLL Donne... c'est trop dur... Elle finit par c der, et Michel se met creuser un peu plus nergiquement que Paulette. Apr s quelques coups de binette, il s'arr te de creuser et regarde Paulette. MICHEL DOLL a, c'est une id e... On va faire un beau petit cimeti re. PAULETTE Qu'est-ce que c'est qu'un cimeti re ? MICHEL DOLL C'est l qu'on met les morts pour qu'ils soient tous ensemble. PAULETTE Pourquoi on les met ensemble ? MICHEL DOLL Pour pas qu'ils s'emb tent. PAULETTE Mais alors, mon chien, il va s'emb ter, tout seul ? Michel r fl chit une seconde et hausse les paules. MICHEL DOLL Ben... oui... PAULETTE Faudra lui en trouver un autre ! MICHEL DOLL Un autre chien... a, c'est difficile. Un bruissement d'ailes fait lever la t te de Michel. Paulette regarde dans la direction o regarde Michel. Dans la charpente du moulin, un hibou, pos sur une poutre, semble observer les enfants. PAULETTE Qu'est-ce que c'est ? MICHEL DOLL C'est Monsieur le Maire. PAULETTE Pourquoi ? MICHEL DOLL C'est son nom... c'est un hibou. PAULETTE C'est m chant ? MICHEL DOLL Non, a roupille tout le temps... Tu vas voir. Michel se dirige vers une chelle qui permet d'acc der au hibou. PAULETTE Faut pas le tuer. MICHEL DOLL Penses-tu ! a serait m me pas la peine, a vit cent ans. Paulette fait une petite moue, semblant incapable de r aliser ce que repr sente cent ans. PAULETTE Cent ans !... Michel grimpe vers le hibou. Paulette d pose son chien dans le trou creus par Michel, puis commence le recouvrir de terre. Tout en travaillant, elle r cite la pri re que lui a apprise le cur . A chaque fois qu'elle dit Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit , elle fait un rapide signe de croix. MICHEL DOLL Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Michel atteint le nid du hibou sur la poutre. On entend, de loin, Paulette qui continue psalmodier ses Que le Bon Dieu... etc. MICHEL DOLL Toi, ne bouge pas... Michel glisse la main derri re le hibou, dans son nid. Il sort une taupe morte qu'il tient par la queue. MICHEL DOLL Je t'en donnerai une autre. Michel redescend vers Paulette, en tenant la taupe par la queue. Il a maintenant atteint le bas de l' chelle. Il s'approche de Paulette, tenant toujours la taupe par la queue. Paulette continue psalmodier ses pri res tout en comblant la tombe de son chien. MICHEL DOLL J'ai une taupe !... Une belle !... Paulette se redresse et regarde la taupe. PAULETTE Il en faudra d'autres. MICHEL DOLL C'est pas ce qui manque, les taupes. La voix de Paulette se fait presque geignante lorsqu'elle dit : PAULETTE Des chats... Michel, lui, num re, sur un timbre de voix nettement plus pos : MICHEL DOLL Des h rissons, des l zards... Paulette n'est visiblement plus dans son tat normal. PAULETTE Des chevaux, des vaches... MICHEL DOLL Des serpents sonnette. PAULETTE Des lions. MICHEL DOLL Des tigres. Paulette a presque des sanglots dans la voix lorsqu'elle dit : PAULETTE Des gens !... Paulette a le souffle un peu court. Michel a l'air un peu surpris par les derniers mots de Paulette. MICHEL DOLL Si tu veux... Et puis on leur mettra des croix. Michel reprend la binette, et creuse un autre trou pour la taupe. Paulette s'est accroupie pour le regarder creuser. PAULETTE Pourquoi des croix ? MICHEL DOLL Ben dis donc !... Qu'est-ce qu'ils t'ont appris, tes parents ?... Tu vas voir. Il pose la binette, prend un morceau de bois, qu'il casse en deux, et en fait une croix, qu'il lie avec du fil de fer. MICHEL DOLL Regarde... Tiens... Regarde... L ... C'est a, une croix. Il plante la croix sur la tombe du chien. PAULETTE C'est le Bon Dieu. MICHEL DOLL Ben oui... C'est le Bon Dieu. PAULETTE Attends. Elle sort un collier de sa poche. MICHEL DOLL Il est joli, ton collier. PAULETTE Il est cass . Elle entoure la croix de son collier. Michel semble ravi. MICHEL DOLL C'est mieux. Il arrange le collier autour de la croix. PAULETTE Oui... mais il y en a une plus belle au-dessus de ton fr re. MICHEL DOLL Tu la trouves belle, toi ? Paulette fait oui de la t te. MICHEL DOLL Je t'en ferai des encore mieux, moi. Avec des clous et un marteau. D'un grand geste des bras, il d signe toute la pi ce. MICHEL DOLL Et on en foutra partout ! FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR JOUR Michel est assis par terre les jambes cart es. Ils cloue deux lattes de bois ensemble en forme de croix.(...TRUNCATED)
garden
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!... LE P RE DOLL Vous lui faites peur tourner autour. C'est pas une b te curieuse. Allez, faut faire un peu semblant de ne pas s'occuper d'elle. Tous s' loignent de Paulette, sauf Michel. Paulette, qui a toujours sa tranche de pain la main, se tourne vers Michel. PAULETTE Michel, je suis fatigu e. Michel soul ve Paulette, un peu difficilement, mais avec beaucoup de tendresse, et la d pose sur un lit voisin. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Un peu plus tard. Le p re est assis sur l'un des deux bancs qui longent la grande table, avec Paulette endormie sur les genoux. En face de lui, sur l'autre banc, Michel fait ses devoirs. Raymond, assis dans un fauteuil, bricole un morceau de bois. Le p re lit le journal d pli devant lui, et en appui sur une bouteille. Une lampe p trole, pos e sur la table, claire la sc ne. LE P RE DOLL La situation militaire s' tait brusquement aggrav e sur tous les fronts au cours de la journ e d'hier. Les ministres ont si g en permanence. RAYMOND DOLL Ah ! Tu vois ! LE P RE DOLL Ouais... Paulette, toujours dans les bras du p re Doll , ouvre un oeil et regarde Michel. Celui-ci fait le pitre en calant un crayon sous son nez, comme une moustache. Pendant que le p re reprend sa lecture, Paulette fait semblant de se rendormir en fermant les yeux. Michel pose le crayon, fait une petite boulette de papier et l'envoie en direction de Paulette. LE P RE DOLL A Bucarest, le Cabinet Tata...res, ou... . a, je m'en fous... La r sistance de nos troupes reste souple et efficace... L'archev que de Westminter (il prononce la fran aise : veste-munster) ordonne... Le p re s'arr te net de lire, car il vient de recevoir, dans la figure, le projectile destin Paulette. Il se frotte le nez et se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Fais ton probl me Par-dessus l' paule du p re, on peut lire le journal qu'il lit. Il s'agit de La Montagne . A la une du journal, le gros titre suivant : Reynaud d missionne. P tain lui succ de. Michel a repris son probl me, dont il fait profiter tout le monde. MICHEL DOLL Un r ti de veau de deux kilos cinq a co t cent quarante- deux francs. LE P RE DOLL Alerte sur Malte... Tiens !... MICHEL DOLL Combien co terait, ce prix, une escalope de veau de cent cinquante grammes. Berthe, qui descend l'escalier du grenier, un oreiller sous le bras, arrive derri re Michel et regarde le dos du journal, toujours appuy sur la bouteille. BERTHE DOLL Ah ! Dis donc ! Le p re regarde Paulette. LE P RE DOLL La r veille pas. Berthe rel ve la t te. BERTHE DOLL Le fils Gouard... LE P RE DOLL Le fils Gouard ? Le p re retourne le journal. Et sur la derni re page, on voit la photo d'un soldat, entre les rubriques Echos et Faits Divers . Raymond s'approche du journal RAYMOND DOLL T'es folle, ben pourquoi il serait sur le journal, le fils Gouard ? BERTHE DOLL Et pourquoi pas ? Si on l'a d cor ! RAYMOND DOLL D cor ? Le Francis ? Et bien, a me ferait bien mal. BERTHE DOLL En tous cas, il y est, lui, la guerre ! Le p re replie son journal et regarde sa fille d'un air visiblement nerv . LE P RE DOLL T'as pas parler du fils Gouard... Qu'est-ce que tu veux ? BERTHE DOLL Une couverture pour la gosse. LA M RE DOLL Prends-la... Ben prends-la Raymond. Raymond se pr cipite vers son lit et s'assoit dessus. Derri re la m re Doll , on aper oit Ren e, la fille cadette, qui essuie la vaisselle. RAYMOND DOLL Oh ! Pardon !... Moi, j'en ai pas de trop... Michel se tourne vers Berthe. MICHEL DOLL Prends la mienne... Raymond se l ve du lit. RAYMOND DOLL C'est pareil, on a le m me lit ! MICHEL DOLL Alors, j'ai le droit de la donner. Raymond regarde, d'un air penaud, sa soeur prendre la couverture. RAYMOND DOLL Oh !... Ben non alors ! Michel retourne vers ses devoirs. Le p re regarde Paulette endormie avec une certaine tendresse. LE P RE DOLL Pauvre gosse ! LA M RE DOLL A cet ge-l , a se rend pas compte. RAYMOND DOLL Dix-sept, il en est mort, rien qu'aujourd'hui sur le pont, et c t ... Ils n'ont m me plus de cercueil pour les enterrer. Le p re se tourne vers Georges. LE P RE DOLL Tu vois, c'est pas le moment de mourir, t'auras m me pas de bo te ! GEORGES DOLL Qu'est-ce qu'on en fait, des morts ? RAYMOND DOLL On fait un trou, et hop !... comme des chiens. Le p re se penche sur Paulette, qui semble toujours endormie sur ses genoux. LE P RE DOLL Chut !... C'est pas des choses raconter. LA M RE DOLL Mais elle dort... Le p re regarde tendrement Paulette, qu'il tend d licatement la m re. LE P RE DOLL Allez... Celle-ci la prend dans ses bras, et commence monter l'escalier, suivie par Ren e et Michel, qui sourit. Le p re ramasse son journal, se l ve, et se dirige vers Georges. LE P RE DOLL T'as vu ? Il s'assoit sur bord du lit. Georges semble souffrir tellement qu'il ne s'aper oit m me pas de sa pr sence. LE P RE DOLL Un side-car allemand tomb aux mains de nos troupes... Regarde. Il tend le journal Georges, qui soupire sans le regarder. LE P RE DOLL T'as mal ? GEORGES DOLL Ouais !... Oh ! Je sais pas. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Berthe pr pare le lit de Paulette, pendant que la m re la d shabille. Paulette, debout, se frotte les yeux. Michel regarde la sc ne. BERTHE DOLL Ce qu'elle est propre !... Ren e lui sent la chevelure REN E DOLL On dirait du parfum. Berthe la sent son tour. BERTHE DOLL Ben non, c'est qui sont propres. REN E DOLL Elle ne s'habituera jamais ici. La m re couche Paulette sur le lit. MICHEL DOLL Pourquoi qu'elle s'habituerait pas ? La m re borde le lit, aid e par Berthe. LA M RE DOLL Tu voudrais bien la garder, toi, hein ? Elle se tourne vers ses enfants. LA M RE DOLL Allez, hop ! Descendez ! Elle prend la lampe p trole et descend l'escalier, en poussant ses filles devant elle. Michel ferme la marche. Paulette se retourne dans son lit. PAULETTE J'ai peur... Je ne veux pas rester dans le noir. MICHEL DOLL T'auras qu' crier Michel. Je reviendrais. Il continue descendre. Paulette chuchote : PAULETTE Michel !... Michel tourne la t te avant de dispara tre compl tement dans l'escalier. MICHEL DOLL Plus fort... Paulette hausse la voix. PAULETTE Michel !... MICHEL DOLL Comme a ! Michel descend l'escalier. PAULETTE Michel !... Paulette a maintenant des larmes dans la voix. PAULETTE Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de son fr re, sur lequel le p re est toujours assis. On entend Paulette appeler du grenier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... Le p re se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Qu'est-ce qu'elle veut ? MICHEL DOLL Je sais pas, elle m'appelle. PAULETTE (voix off) Michel !... GEORGES DOLL Ah ! Faites-la taire, Bon Dieu ! LE P RE DOLL Allez, fais-la taire ! MICHEL DOLL Et mon probl me ? PAULETTE (voix off) Michel !... LE P RE DOLL Fais ce qu'on te dit. MICHEL DOLL Bon... je ferai pas mon probl me. Michel remonte l'escalier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Dans la p nombre, Michel s'approche du lit et se penche vers Paulette. PAULETTE J'y vois rien. MICHEL DOLL Ferme les yeux, compte jusqu' dix et tu verras... Combien j'ai de doigts ? Michel met sa main sous le nez de Paulette, qui s'est l g rement redress e, appuyant sa joue sur son poing ferm . PAULETTE Je te dis que je n'y vois rien. MICHEL DOLL Alors, tu sais pas compter. PAULETTE Trois ! MICHEL DOLL Tu vois bien qu'on y voit. Paulette tire la langue Michel. MICHEL DOLL Pourquoi tu me tires la langue ? PAULETTE Pour voir si tu y vois. La pi ce est brusquement clair e d'une vive lumi re, suivie du bruit d'un bombardement. Michel se l ve et se pr cipite vers la lucarne. MICHEL DOLL Oh ! Une fus e... Viens voir. Paulette se cache sous la couverture. PAULETTE J'ai peur, il faut se coucher par terre. Michel se tourne vers Paulette, toujours cach e sous sa couverture. MICHEL DOLL Tu as peur quand il fait noir, et puis tu as peur quand a claire ! Paulette sort la t te de sa couverture. PAULETTE a claire encore ? MICHEL DOLL Non. Une vive lumi re sort de la lucarne. Paulette se recache. PAULETTE Menteur !... Michel ferme le volet int rieur de la lucarne. MICHEL DOLL Bon... Voil ... La pi ce est tr s sombre tout coup. Michel se dirige vers le lit et soul ve la couverture, d couvrant le visage apeur de Paulette. MICHEL DOLL C'est fini, je te jure. Paulette se redresse l g rement, et s'appuie la joue sur la main. PAULETTE Je veux pas rester ici. MICHEL DOLL T'es bien forc e. O tu veux aller ? PAULETTE Je veux retrouver ma maman et mon papa... sur le pont. MICHEL DOLL Ils y sont plus sur le pont. PAULETTE Pourquoi ?.. O ils sont ? MICHEL DOLL Dans un trou. PAULETTE Dans un trou ? Michel semble g n . MICHEL DOLL Oui. PAULETTE Et hop ! Comme des chiens ? Michel semble surpris : il ne savait pas que Paulette, qu'il croyait endormie, avait entendu les r flexions stupides de son fr re. MICHEL DOLL Ben... oui... Paulette s'allonge sur son lit. PAULETTE A cause de la pluie... Dans un trou... Pour pas qu'ils soient mouill s ? MICHEL DOLL a doit tre pour a... PAULETTE Mais alors, mon chien... Michel... Il va tre mouill . Paulette ferme les yeux et s'endort. MICHEL DOLL Tu dors ?... Tu n'as plus peur ?... Je peux m'en aller ?... Il se l ve lentement et se dirige vers l'escalier, qu'il descend sur la pointe des pieds. FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Nous sommes au milieu de la nuit. Toute la famille Doll dort... et ronfle ! Michel et Raymond dorment dans le m me lit. Un papillon vole dans la pi ce. On suit son ombre projet e sur le mur par la lampe qui est rest e allum e sur la table de nuit de Georges qui, lui, ne dort pas. Le papillon, attir par la lumi re, finit par tomber dans le verre de la lampe p trole, o il meurt instantan ment. On entend Paulette crier : elle a certainement fait un cauchemar. Georges sursaute, et se tourne vers le lit de ses fr res. GEORGES DOLL Michel !... Michel, je te dis !... PAULETTE (pleurnichant en voix off) Papa !... Maman !... Maman !... Maman !... Comme Michel ne semble entendre, ni son fr re, ni Paulette, Georges attrape un paquet de petits beurres pos au milieu des m dicaments sur la table de nuit et le lance en direction de Michel. Michel re oit le paquet sur la t te et se r veille en sursaut en se frottant les yeux. Il semble un peu affol . Il porte une longue chemise de nuit rapi c e. MICHEL DOLL Qu'est-ce qu'il y a ? GEORGES DOLL Tu l'entend pas ? MICHEL DOLL Qui a ? GEORGES DOLL (d'une voix furieuse) Je veux pas qu'elle crie ! MICHEL DOLL Gueule pas comme a. Il se l ve, prend la lampe sur la table de nuit de son fr re et monte l'escalier. On entend Paulette g mir. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Michel s'assied sur le bord du lit, pr s de la t te de Paulette. Il lui caresse le front. MICHEL DOLL Pourquoi que tu cries ? T'as peur ? Paulette semble un peu absente. Elle n'est visiblement qu' moiti r veill e. PAULETTE Non. MICHEL DOLL Alors, faut pas crier comme a. PAULETTE Je crie pas. Paulette ferme les yeux. Michel recouvre soigneusement Paulette, qui s'est rendormie, le visage serein. Puis il redescend sans bruit. FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de Georges et repose la lampe sur la table de nuit. MICHEL DOLL a y est, je lui ai expliqu . Elle dort. GEORGES DOLL Et moi, je dors pas. MICHEL DOLL Si tu veux, moi non plus, je dormirai pas... Tu veux que je te lise le journal ? Georges hoche peine la t te. Michel rapproche une chaise du lit, prend le journal que le p re a laiss sur le lit, et demande : MICHEL DOLL Qu'est-ce que je te lis ?... La guerre ?... GEORGES DOLL Ah non ! Pas la guerre ! Le feuilleton. MICHEL DOLL Il tait encore trop t t pour donner le signal du d part. N anmoins, ceux des compagnons qui devaient faire la route cheval... Georges l ve la main. GEORGES DOLL Parle pas de cheval. MICHEL DOLL Bon, je te lis apr s... Et pourtant, toutes les pr cautions avaient t prises l'ext rieur de l'ha... l'ha...cienda... Les deux fr res font une petite moue, car ni l'un, ni l'autre, ne semble comprendre ce mot tranger. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR JOUR Le lendemain matin. Michel est assis table et boit son bol de lait. En face de lui, Berthe coupe des morceaux de pain et les d pose dans un bol. Derri re Michel, la m re est en train de refaire son lit. Le coq chante et Georges g mit faiblement dans son lit. Michel se l ve et contourne la table. MICHEL DOLL Paulette !... Il s'essuie la bouche sur un torchon pos sur la table et se dirige vers l'escalier, devant lequel il s'arr te. Il l ve la t te. MICHEL DOLL T'es pas encore lev e ? PAULETTE (voix off provenant du grenier) Je m'habille. MICHEL DOLL D p che-toi. LA M RE DOLL (voix off du fond de la pi ce) Criez pas si fort.. Vous voyez bien qu'il y a un malade. Paulette descend l'escalier en enfilant sa robe, et accompagn e du chien. Arriv e en bas, elle se dirige vers le lit de Georges, qui toussote. PAULETTE Oh !... Qu'est-ce qu'il a, le monsieur ? Georges caresse doucement la joue de Paulette qui continue s'habiller. LA M RE DOLL (voix off) Il a re u un coup de pied de cheval. Paulette pointe le doigt vers le crucifix accroch au mur au- dessus du lit. PAULETTE Qu'est-ce que c'est, a ? LA M RE DOLL (voix off) C'est le Bon Dieu. La m re semble choqu e par la question de la fillette et s'approche d'elle. LA M RE DOLL T'en as jamais vu ? PAULETTE Si, mais je savais pas ce que c' tait. La m re s'approche de Paulette et la pousse vers la table. LA M RE DOLL Viens boire ton lait. Michel, qui s'est rassis table devant son bol, sourit Paulette. MICHEL DOLL Bonjour. La m re assoit Paulette c t de Berthe, qui verse du lait dans le bol de la fillette, qui sourit Michel. LA M RE DOLL Elle sait pas ce que c'est que le Bon Dieu. Georges se redresse de son oreiller, et dit, d'une voix peu AIMABLE : GEORGES DOLL J'ai soif. La m re est en train de coiffer Paulette. Berthe regarde sa m re. BERTHE DOLL C'est se demander d'o elle sort. (A PAULETTE) D'o tu viens ? Michel baisse son bol pour r pondre. MICHEL DOLL C'est une parisienne. LA M RE DOLL Pauvre gosse ! BERTHE DOLL Faudra la faire baptiser. LA M RE DOLL Ben, en attendant, faut la d clarer au maire.. Ils nous accuseraient bien de l'avoir vol e. Elle verse du vin dans un verre. BERTHE DOLL C'est pas au maire qu'il faut aller. C'est aux gendarmes. LA M RE DOLL Mairerie ou gendarmerie, y faut leur dire. Elle repose la bouteille sur la table et se dirige vers le lit de Georges. MICHEL DOLL J'irai, moi, aux gendarmes. LA M RE DOLL (voix off) Toi, occupe-toi de tes vaches. Berthe finit de coiffer Paulette, qui sourit Michel. Michel se l ve et se tourne vers Paulette. MICHEL DOLL Tu viens avec moi ? Paulette r cup re les morceaux de pain dans son bol et les mange. PAULETTE Attends, j'ai pas fini. Michel ouvre la porte et sort. Paulette continue manger tranquillement. Raymond entre, poussant un vieux v lo, qu'il d pose contre le mur. Il a, sur la t te, un chapeau feutre gris. Il tient quelque chose cach derri re son dos. Il s'approche du lit de Georges. RAYMOND DOLL Regarde !... Georges se redresse sur son lit. RAYMOND DOLL Regarde ce qu'ils l chent sur la route, les Parisiens. Il enl ve le feutre, et, la place, pose sur sa t te un l gant chapeau noir bords roul s, celui qu'il cachait derri re son dos. Il fait le pitre. Georges rit malgr sa douleur, surtout lorsque son fr re met le chapeau de travers, en singeant Napol on, une main gliss e dans l' chancrure de sa chemise. GEORGES DOLL Me fais pas rire... Me fait pas rire... a me fait mal. Raymond met le chapeau sur la t te de Georges, qui ne peut s'emp cher de continuer rire, malgr la douleur qui lui tiraille le ventre. RAYMOND DOLL Tiens !... Comme a, tu le verras pas. GEORGES DOLL Me fait pas rire... Oh ! Bon Dieu, j'ai mal ! Il se recouche. La m re s'approche du lit. LA M RE DOLL Et le docteur ? RAYMOND DOLL Ah oui, le docteur. Mobilis l'h pital. C'est la cause au bombardements. GEORGES DOLL Ce que j'ai besoin, c'est pas le docteur, c'est les pompes fun bres. RAYMOND DOLL T'en fais pas... Y a toujours le vieux corbillard... En le reclouant un peu. Les deux fr res rient ensemble, et Georges plus fort que Raymond. FONDU ENCHAIN CHEMIN LONGEANT RUISSEAU - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers l'endroit o elle a, la veille, d pos le cadavre de son chien, une petite binette la main. NOTE La sc ne suivante, pr sente dans la toute premi re version originale du film, a t coup e dans toutes les copies pr sent es ult rieurement. Peut- tre a-t-on estim que de montrer Paulette en train de faire danser le cadavre de son chien tait un peu trop macabre. Paulette tient son chien par les pattes de devant, pour le faire tenir debout sur les pattes arri re. La binette est pos e c t d'elle. PAULETTE Fais le beau ! Elle essaie de le faire danser, puis, tout coup, elle le laisse retomber par terre. Elle soul ve sa robe et regarde un insecte qui grimpe sur sa jambe. L'insecte s'envole et va se poser sur une fleur de liseron. Elle veut cueillir la fleur, mais tirant un peu trop fort, c'est toute une guirlande de liseron qu'elle arrache. Elle se tourne vers le chien, puis, apr s un instant d'h sitation, elle lui entoure le cou avec la guirlande de liseron. Elle le soul ve de nouveau par les pattes de devant. PAULETTE Fais le beau ! Danse ! Elle danse avec le chien en chantonnant. Puis, lass par ce jeu, elle s'arr te, repose le chien, prend la binette et commence creuser. NOTE Retour la version normale du film, telle qu'elle est pr sent e dans toutes les copies existantes. Paulette s'agenouille pr s du cadavre de son chien, pos sur l'herbe. Elle pose la binette c te du chien et le caresse d licatement. Puis elle se caresse la joue, comme elle l'avait fait apr s avoir caress la joue de sa m re d c d e. Elle d place l g rement le chien, prend la binette et commence creuser. Tout coup, elle tourne la t te, car elle vient d'entendre un bruit de sonnette. Le cur du village arrive sur sa bicyclette, et se dirige vers la rivi re, et vers Paulette. Paulette pose sa binette et ramasse son chien. Le cur descend de v lo, terminant pied, le v lo la main, le petit raidillon qui descend vers le ruisseau. Paulette met le chien derri re son dos et le maintient en place avec ses deux mains. Le cur porte son v lo pour traverser le ruisseau. Puis, arriv sur l'autre rive, il le repose et s'approche de Paulette. LE CUR Je ne te connais pas, moi ?... Tu n'es pas d'ici ? Paulette recule de fa on se plaquer le dos contre un arbre, tenant toujours, deux mains, le chien cach derri re elle. Elle regarde le cur d'un air inquiet et m fiant. Ce dernier sourit, et se penche vers Paulette, appuy sur son v lo. LE CUR Tu as perdu ta langue ? Paulette fait non de la t te. LE CUR O habites-tu ? PAULETTE Chez Monsieur Doll . Papa est mort, et maman aussi. LE CUR Pauvre enfant... Leur as-tu dis une pri re, au moins ? Paulette fait non de la t te. LE CUR Tu ne veux pas en dire une ? PAULETTE Je sais pas quoi dire. LE CUR Il faut apprendre... Mets tes mains comme ceci. Le cur joint les mains. Paulette regarde les mains du cur , mais ne bouge pas. LE CUR Non ?... Alors, r p te : Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. PAULETTE Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. Le cur fait le signe de la croix. LE CUR Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Paulette r p te la phrase du cur , mais sans se signer. PAULETTE Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. LE CUR Fais comme moi. Le cur refait un signe de croix. LE CUR Tu ne veux pas ? Michel t'apprendra... Il apprend bien son cat chisme, Michel. Au nom de Michel, Paulette esquisse un sourire. Le cur s' loigne en poussant sa bicyclette. Paulette le regarde partir, tenant toujours son chien cach derri re son dos. Lorsqu'elle estime que la voix est libre, elle se d gage de l'arbre. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel s'avance travers bois, mais il ne voit pas Paulette. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette ne lui r pond pas. Elle prend son chien dans ses bras, ramasse sa binette, et s' loigne du ruisseau. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel continue chercher dans la for t. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette traverse le ruisseau et marche le long de la berge. Michel continue chercher. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers un vieux moulin eau d saffect , mais dont la b tisse semble encore solide. Elle entre l'int rieur du moulin. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette entre dans le moulin. Au fond du moulin, la grande roue, totalement immobile. Paulette cherche un endroit pour enterrer son chien. CHEMIN LONGEANT RIVI RE - EXT RIEUR JOUR Michel se dirige vers le moulin. On aper oit une autre roue, elle aussi immobile, l'ext rieur du moulin. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette pose son chien et commence creuser le sol en terre battue. Derri re elle, Michel entre dans le moulin. MICHEL DOLL Paulette !... Michel s'approche de Paulette. MICHEL DOLL Ah ! Dis... Qu'est-ce que tu fais l ? PAULETTE a ne te regarde pas. MICHEL DOLL Je te cherche partout... Tu fais un trou ? Elle ne lui r pond pas et continue creuser. MICHEL DOLL Ah !... C'est pour ton chien. Donne... Il cherche lui prendre la binette des mains, mais elle r siste un peu. MICHEL DOLL Donne... c'est trop dur... Elle finit par c der, et Michel se met creuser un peu plus nergiquement que Paulette. Apr s quelques coups de binette, il s'arr te de creuser et regarde Paulette. MICHEL DOLL a, c'est une id e... On va faire un beau petit cimeti re. PAULETTE Qu'est-ce que c'est qu'un cimeti re ? MICHEL DOLL C'est l qu'on met les morts pour qu'ils soient tous ensemble. PAULETTE Pourquoi on les met ensemble ? MICHEL DOLL Pour pas qu'ils s'emb tent. PAULETTE Mais alors, mon chien, il va s'emb ter, tout seul ? Michel r fl chit une seconde et hausse les paules. MICHEL DOLL Ben... oui... PAULETTE Faudra lui en trouver un autre ! MICHEL DOLL Un autre chien... a, c'est difficile. Un bruissement d'ailes fait lever la t te de Michel. Paulette regarde dans la direction o regarde Michel. Dans la charpente du moulin, un hibou, pos sur une poutre, semble observer les enfants. PAULETTE Qu'est-ce que c'est ? MICHEL DOLL C'est Monsieur le Maire. PAULETTE Pourquoi ? MICHEL DOLL C'est son nom... c'est un hibou. PAULETTE C'est m chant ? MICHEL DOLL Non, a roupille tout le temps... Tu vas voir. Michel se dirige vers une chelle qui permet d'acc der au hibou. PAULETTE Faut pas le tuer. MICHEL DOLL Penses-tu ! a serait m me pas la peine, a vit cent ans. Paulette fait une petite moue, semblant incapable de r aliser ce que repr sente cent ans. PAULETTE Cent ans !... Michel grimpe vers le hibou. Paulette d pose son chien dans le trou creus par Michel, puis commence le recouvrir de terre. Tout en travaillant, elle r cite la pri re que lui a apprise le cur . A chaque fois qu'elle dit Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit , elle fait un rapide signe de croix. MICHEL DOLL Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Michel atteint le nid du hibou sur la poutre. On entend, de loin, Paulette qui continue psalmodier ses Que le Bon Dieu... etc. MICHEL DOLL Toi, ne bouge pas... Michel glisse la main derri re le hibou, dans son nid. Il sort une taupe morte qu'il tient par la queue. MICHEL DOLL Je t'en donnerai une autre. Michel redescend vers Paulette, en tenant la taupe par la queue. Il a maintenant atteint le bas de l' chelle. Il s'approche de Paulette, tenant toujours la taupe par la queue. Paulette continue psalmodier ses pri res tout en comblant la tombe de son chien. MICHEL DOLL J'ai une taupe !... Une belle !... Paulette se redresse et regarde la taupe. PAULETTE Il en faudra d'autres. MICHEL DOLL C'est pas ce qui manque, les taupes. La voix de Paulette se fait presque geignante lorsqu'elle dit : PAULETTE Des chats... Michel, lui, num re, sur un timbre de voix nettement plus pos : MICHEL DOLL Des h rissons, des l zards... Paulette n'est visiblement plus dans son tat normal. PAULETTE Des chevaux, des vaches... MICHEL DOLL Des serpents sonnette. PAULETTE Des lions. MICHEL DOLL Des tigres. Paulette a presque des sanglots dans la voix lorsqu'elle dit : PAULETTE Des gens !... Paulette a le souffle un peu court. Michel a l'air un peu surpris par les derniers mots de Paulette. MICHEL DOLL Si tu veux... Et puis on leur mettra des croix. Michel reprend la binette, et creuse un autre trou pour la taupe. Paulette s'est accroupie pour le regarder creuser. PAULETTE Pourquoi des croix ? MICHEL DOLL Ben dis donc !... Qu'est-ce qu'ils t'ont appris, tes parents ?... Tu vas voir. Il pose la binette, prend un morceau de bois, qu'il casse en deux, et en fait une croix, qu'il lie avec du fil de fer. MICHEL DOLL Regarde... Tiens... Regarde... L ... C'est a, une croix. Il plante la croix sur la tombe du chien. PAULETTE C'est le Bon Dieu. MICHEL DOLL Ben oui... C'est le Bon Dieu. PAULETTE Attends. Elle sort un collier de sa poche. MICHEL DOLL Il est joli, ton collier. PAULETTE Il est cass . Elle entoure la croix de son collier. Michel semble ravi. MICHEL DOLL C'est mieux. Il arrange le collier autour de la croix. PAULETTE Oui... mais il y en a une plus belle au-dessus de ton fr re. MICHEL DOLL Tu la trouves belle, toi ? Paulette fait oui de la t te. MICHEL DOLL Je t'en ferai des encore mieux, moi. Avec des clous et un marteau. D'un grand geste des bras, il d signe toute la pi ce. MICHEL DOLL Et on en foutra partout ! FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR JOUR Michel est assis par terre les jambes cart es. Ils cloue deux lattes de bois ensemble en forme de croix.(...TRUNCATED)
out;--but
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!... LE P RE DOLL Vous lui faites peur tourner autour. C'est pas une b te curieuse. Allez, faut faire un peu semblant de ne pas s'occuper d'elle. Tous s' loignent de Paulette, sauf Michel. Paulette, qui a toujours sa tranche de pain la main, se tourne vers Michel. PAULETTE Michel, je suis fatigu e. Michel soul ve Paulette, un peu difficilement, mais avec beaucoup de tendresse, et la d pose sur un lit voisin. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Un peu plus tard. Le p re est assis sur l'un des deux bancs qui longent la grande table, avec Paulette endormie sur les genoux. En face de lui, sur l'autre banc, Michel fait ses devoirs. Raymond, assis dans un fauteuil, bricole un morceau de bois. Le p re lit le journal d pli devant lui, et en appui sur une bouteille. Une lampe p trole, pos e sur la table, claire la sc ne. LE P RE DOLL La situation militaire s' tait brusquement aggrav e sur tous les fronts au cours de la journ e d'hier. Les ministres ont si g en permanence. RAYMOND DOLL Ah ! Tu vois ! LE P RE DOLL Ouais... Paulette, toujours dans les bras du p re Doll , ouvre un oeil et regarde Michel. Celui-ci fait le pitre en calant un crayon sous son nez, comme une moustache. Pendant que le p re reprend sa lecture, Paulette fait semblant de se rendormir en fermant les yeux. Michel pose le crayon, fait une petite boulette de papier et l'envoie en direction de Paulette. LE P RE DOLL A Bucarest, le Cabinet Tata...res, ou... . a, je m'en fous... La r sistance de nos troupes reste souple et efficace... L'archev que de Westminter (il prononce la fran aise : veste-munster) ordonne... Le p re s'arr te net de lire, car il vient de recevoir, dans la figure, le projectile destin Paulette. Il se frotte le nez et se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Fais ton probl me Par-dessus l' paule du p re, on peut lire le journal qu'il lit. Il s'agit de La Montagne . A la une du journal, le gros titre suivant : Reynaud d missionne. P tain lui succ de. Michel a repris son probl me, dont il fait profiter tout le monde. MICHEL DOLL Un r ti de veau de deux kilos cinq a co t cent quarante- deux francs. LE P RE DOLL Alerte sur Malte... Tiens !... MICHEL DOLL Combien co terait, ce prix, une escalope de veau de cent cinquante grammes. Berthe, qui descend l'escalier du grenier, un oreiller sous le bras, arrive derri re Michel et regarde le dos du journal, toujours appuy sur la bouteille. BERTHE DOLL Ah ! Dis donc ! Le p re regarde Paulette. LE P RE DOLL La r veille pas. Berthe rel ve la t te. BERTHE DOLL Le fils Gouard... LE P RE DOLL Le fils Gouard ? Le p re retourne le journal. Et sur la derni re page, on voit la photo d'un soldat, entre les rubriques Echos et Faits Divers . Raymond s'approche du journal RAYMOND DOLL T'es folle, ben pourquoi il serait sur le journal, le fils Gouard ? BERTHE DOLL Et pourquoi pas ? Si on l'a d cor ! RAYMOND DOLL D cor ? Le Francis ? Et bien, a me ferait bien mal. BERTHE DOLL En tous cas, il y est, lui, la guerre ! Le p re replie son journal et regarde sa fille d'un air visiblement nerv . LE P RE DOLL T'as pas parler du fils Gouard... Qu'est-ce que tu veux ? BERTHE DOLL Une couverture pour la gosse. LA M RE DOLL Prends-la... Ben prends-la Raymond. Raymond se pr cipite vers son lit et s'assoit dessus. Derri re la m re Doll , on aper oit Ren e, la fille cadette, qui essuie la vaisselle. RAYMOND DOLL Oh ! Pardon !... Moi, j'en ai pas de trop... Michel se tourne vers Berthe. MICHEL DOLL Prends la mienne... Raymond se l ve du lit. RAYMOND DOLL C'est pareil, on a le m me lit ! MICHEL DOLL Alors, j'ai le droit de la donner. Raymond regarde, d'un air penaud, sa soeur prendre la couverture. RAYMOND DOLL Oh !... Ben non alors ! Michel retourne vers ses devoirs. Le p re regarde Paulette endormie avec une certaine tendresse. LE P RE DOLL Pauvre gosse ! LA M RE DOLL A cet ge-l , a se rend pas compte. RAYMOND DOLL Dix-sept, il en est mort, rien qu'aujourd'hui sur le pont, et c t ... Ils n'ont m me plus de cercueil pour les enterrer. Le p re se tourne vers Georges. LE P RE DOLL Tu vois, c'est pas le moment de mourir, t'auras m me pas de bo te ! GEORGES DOLL Qu'est-ce qu'on en fait, des morts ? RAYMOND DOLL On fait un trou, et hop !... comme des chiens. Le p re se penche sur Paulette, qui semble toujours endormie sur ses genoux. LE P RE DOLL Chut !... C'est pas des choses raconter. LA M RE DOLL Mais elle dort... Le p re regarde tendrement Paulette, qu'il tend d licatement la m re. LE P RE DOLL Allez... Celle-ci la prend dans ses bras, et commence monter l'escalier, suivie par Ren e et Michel, qui sourit. Le p re ramasse son journal, se l ve, et se dirige vers Georges. LE P RE DOLL T'as vu ? Il s'assoit sur bord du lit. Georges semble souffrir tellement qu'il ne s'aper oit m me pas de sa pr sence. LE P RE DOLL Un side-car allemand tomb aux mains de nos troupes... Regarde. Il tend le journal Georges, qui soupire sans le regarder. LE P RE DOLL T'as mal ? GEORGES DOLL Ouais !... Oh ! Je sais pas. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Berthe pr pare le lit de Paulette, pendant que la m re la d shabille. Paulette, debout, se frotte les yeux. Michel regarde la sc ne. BERTHE DOLL Ce qu'elle est propre !... Ren e lui sent la chevelure REN E DOLL On dirait du parfum. Berthe la sent son tour. BERTHE DOLL Ben non, c'est qui sont propres. REN E DOLL Elle ne s'habituera jamais ici. La m re couche Paulette sur le lit. MICHEL DOLL Pourquoi qu'elle s'habituerait pas ? La m re borde le lit, aid e par Berthe. LA M RE DOLL Tu voudrais bien la garder, toi, hein ? Elle se tourne vers ses enfants. LA M RE DOLL Allez, hop ! Descendez ! Elle prend la lampe p trole et descend l'escalier, en poussant ses filles devant elle. Michel ferme la marche. Paulette se retourne dans son lit. PAULETTE J'ai peur... Je ne veux pas rester dans le noir. MICHEL DOLL T'auras qu' crier Michel. Je reviendrais. Il continue descendre. Paulette chuchote : PAULETTE Michel !... Michel tourne la t te avant de dispara tre compl tement dans l'escalier. MICHEL DOLL Plus fort... Paulette hausse la voix. PAULETTE Michel !... MICHEL DOLL Comme a ! Michel descend l'escalier. PAULETTE Michel !... Paulette a maintenant des larmes dans la voix. PAULETTE Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de son fr re, sur lequel le p re est toujours assis. On entend Paulette appeler du grenier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... Le p re se tourne vers Michel. LE P RE DOLL Qu'est-ce qu'elle veut ? MICHEL DOLL Je sais pas, elle m'appelle. PAULETTE (voix off) Michel !... GEORGES DOLL Ah ! Faites-la taire, Bon Dieu ! LE P RE DOLL Allez, fais-la taire ! MICHEL DOLL Et mon probl me ? PAULETTE (voix off) Michel !... LE P RE DOLL Fais ce qu'on te dit. MICHEL DOLL Bon... je ferai pas mon probl me. Michel remonte l'escalier. PAULETTE (voix off) Michel !... Michel !... FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Dans la p nombre, Michel s'approche du lit et se penche vers Paulette. PAULETTE J'y vois rien. MICHEL DOLL Ferme les yeux, compte jusqu' dix et tu verras... Combien j'ai de doigts ? Michel met sa main sous le nez de Paulette, qui s'est l g rement redress e, appuyant sa joue sur son poing ferm . PAULETTE Je te dis que je n'y vois rien. MICHEL DOLL Alors, tu sais pas compter. PAULETTE Trois ! MICHEL DOLL Tu vois bien qu'on y voit. Paulette tire la langue Michel. MICHEL DOLL Pourquoi tu me tires la langue ? PAULETTE Pour voir si tu y vois. La pi ce est brusquement clair e d'une vive lumi re, suivie du bruit d'un bombardement. Michel se l ve et se pr cipite vers la lucarne. MICHEL DOLL Oh ! Une fus e... Viens voir. Paulette se cache sous la couverture. PAULETTE J'ai peur, il faut se coucher par terre. Michel se tourne vers Paulette, toujours cach e sous sa couverture. MICHEL DOLL Tu as peur quand il fait noir, et puis tu as peur quand a claire ! Paulette sort la t te de sa couverture. PAULETTE a claire encore ? MICHEL DOLL Non. Une vive lumi re sort de la lucarne. Paulette se recache. PAULETTE Menteur !... Michel ferme le volet int rieur de la lucarne. MICHEL DOLL Bon... Voil ... La pi ce est tr s sombre tout coup. Michel se dirige vers le lit et soul ve la couverture, d couvrant le visage apeur de Paulette. MICHEL DOLL C'est fini, je te jure. Paulette se redresse l g rement, et s'appuie la joue sur la main. PAULETTE Je veux pas rester ici. MICHEL DOLL T'es bien forc e. O tu veux aller ? PAULETTE Je veux retrouver ma maman et mon papa... sur le pont. MICHEL DOLL Ils y sont plus sur le pont. PAULETTE Pourquoi ?.. O ils sont ? MICHEL DOLL Dans un trou. PAULETTE Dans un trou ? Michel semble g n . MICHEL DOLL Oui. PAULETTE Et hop ! Comme des chiens ? Michel semble surpris : il ne savait pas que Paulette, qu'il croyait endormie, avait entendu les r flexions stupides de son fr re. MICHEL DOLL Ben... oui... Paulette s'allonge sur son lit. PAULETTE A cause de la pluie... Dans un trou... Pour pas qu'ils soient mouill s ? MICHEL DOLL a doit tre pour a... PAULETTE Mais alors, mon chien... Michel... Il va tre mouill . Paulette ferme les yeux et s'endort. MICHEL DOLL Tu dors ?... Tu n'as plus peur ?... Je peux m'en aller ?... Il se l ve lentement et se dirige vers l'escalier, qu'il descend sur la pointe des pieds. FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Nous sommes au milieu de la nuit. Toute la famille Doll dort... et ronfle ! Michel et Raymond dorment dans le m me lit. Un papillon vole dans la pi ce. On suit son ombre projet e sur le mur par la lampe qui est rest e allum e sur la table de nuit de Georges qui, lui, ne dort pas. Le papillon, attir par la lumi re, finit par tomber dans le verre de la lampe p trole, o il meurt instantan ment. On entend Paulette crier : elle a certainement fait un cauchemar. Georges sursaute, et se tourne vers le lit de ses fr res. GEORGES DOLL Michel !... Michel, je te dis !... PAULETTE (pleurnichant en voix off) Papa !... Maman !... Maman !... Maman !... Comme Michel ne semble entendre, ni son fr re, ni Paulette, Georges attrape un paquet de petits beurres pos au milieu des m dicaments sur la table de nuit et le lance en direction de Michel. Michel re oit le paquet sur la t te et se r veille en sursaut en se frottant les yeux. Il semble un peu affol . Il porte une longue chemise de nuit rapi c e. MICHEL DOLL Qu'est-ce qu'il y a ? GEORGES DOLL Tu l'entend pas ? MICHEL DOLL Qui a ? GEORGES DOLL (d'une voix furieuse) Je veux pas qu'elle crie ! MICHEL DOLL Gueule pas comme a. Il se l ve, prend la lampe sur la table de nuit de son fr re et monte l'escalier. On entend Paulette g mir. FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR NUIT Michel s'assied sur le bord du lit, pr s de la t te de Paulette. Il lui caresse le front. MICHEL DOLL Pourquoi que tu cries ? T'as peur ? Paulette semble un peu absente. Elle n'est visiblement qu' moiti r veill e. PAULETTE Non. MICHEL DOLL Alors, faut pas crier comme a. PAULETTE Je crie pas. Paulette ferme les yeux. Michel recouvre soigneusement Paulette, qui s'est rendormie, le visage serein. Puis il redescend sans bruit. FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR NUIT Michel s'approche du lit de Georges et repose la lampe sur la table de nuit. MICHEL DOLL a y est, je lui ai expliqu . Elle dort. GEORGES DOLL Et moi, je dors pas. MICHEL DOLL Si tu veux, moi non plus, je dormirai pas... Tu veux que je te lise le journal ? Georges hoche peine la t te. Michel rapproche une chaise du lit, prend le journal que le p re a laiss sur le lit, et demande : MICHEL DOLL Qu'est-ce que je te lis ?... La guerre ?... GEORGES DOLL Ah non ! Pas la guerre ! Le feuilleton. MICHEL DOLL Il tait encore trop t t pour donner le signal du d part. N anmoins, ceux des compagnons qui devaient faire la route cheval... Georges l ve la main. GEORGES DOLL Parle pas de cheval. MICHEL DOLL Bon, je te lis apr s... Et pourtant, toutes les pr cautions avaient t prises l'ext rieur de l'ha... l'ha...cienda... Les deux fr res font une petite moue, car ni l'un, ni l'autre, ne semble comprendre ce mot tranger. Fondu au noir FERME DES DOLL - SALLE COMMUNE - INT RIEUR JOUR Le lendemain matin. Michel est assis table et boit son bol de lait. En face de lui, Berthe coupe des morceaux de pain et les d pose dans un bol. Derri re Michel, la m re est en train de refaire son lit. Le coq chante et Georges g mit faiblement dans son lit. Michel se l ve et contourne la table. MICHEL DOLL Paulette !... Il s'essuie la bouche sur un torchon pos sur la table et se dirige vers l'escalier, devant lequel il s'arr te. Il l ve la t te. MICHEL DOLL T'es pas encore lev e ? PAULETTE (voix off provenant du grenier) Je m'habille. MICHEL DOLL D p che-toi. LA M RE DOLL (voix off du fond de la pi ce) Criez pas si fort.. Vous voyez bien qu'il y a un malade. Paulette descend l'escalier en enfilant sa robe, et accompagn e du chien. Arriv e en bas, elle se dirige vers le lit de Georges, qui toussote. PAULETTE Oh !... Qu'est-ce qu'il a, le monsieur ? Georges caresse doucement la joue de Paulette qui continue s'habiller. LA M RE DOLL (voix off) Il a re u un coup de pied de cheval. Paulette pointe le doigt vers le crucifix accroch au mur au- dessus du lit. PAULETTE Qu'est-ce que c'est, a ? LA M RE DOLL (voix off) C'est le Bon Dieu. La m re semble choqu e par la question de la fillette et s'approche d'elle. LA M RE DOLL T'en as jamais vu ? PAULETTE Si, mais je savais pas ce que c' tait. La m re s'approche de Paulette et la pousse vers la table. LA M RE DOLL Viens boire ton lait. Michel, qui s'est rassis table devant son bol, sourit Paulette. MICHEL DOLL Bonjour. La m re assoit Paulette c t de Berthe, qui verse du lait dans le bol de la fillette, qui sourit Michel. LA M RE DOLL Elle sait pas ce que c'est que le Bon Dieu. Georges se redresse de son oreiller, et dit, d'une voix peu AIMABLE : GEORGES DOLL J'ai soif. La m re est en train de coiffer Paulette. Berthe regarde sa m re. BERTHE DOLL C'est se demander d'o elle sort. (A PAULETTE) D'o tu viens ? Michel baisse son bol pour r pondre. MICHEL DOLL C'est une parisienne. LA M RE DOLL Pauvre gosse ! BERTHE DOLL Faudra la faire baptiser. LA M RE DOLL Ben, en attendant, faut la d clarer au maire.. Ils nous accuseraient bien de l'avoir vol e. Elle verse du vin dans un verre. BERTHE DOLL C'est pas au maire qu'il faut aller. C'est aux gendarmes. LA M RE DOLL Mairerie ou gendarmerie, y faut leur dire. Elle repose la bouteille sur la table et se dirige vers le lit de Georges. MICHEL DOLL J'irai, moi, aux gendarmes. LA M RE DOLL (voix off) Toi, occupe-toi de tes vaches. Berthe finit de coiffer Paulette, qui sourit Michel. Michel se l ve et se tourne vers Paulette. MICHEL DOLL Tu viens avec moi ? Paulette r cup re les morceaux de pain dans son bol et les mange. PAULETTE Attends, j'ai pas fini. Michel ouvre la porte et sort. Paulette continue manger tranquillement. Raymond entre, poussant un vieux v lo, qu'il d pose contre le mur. Il a, sur la t te, un chapeau feutre gris. Il tient quelque chose cach derri re son dos. Il s'approche du lit de Georges. RAYMOND DOLL Regarde !... Georges se redresse sur son lit. RAYMOND DOLL Regarde ce qu'ils l chent sur la route, les Parisiens. Il enl ve le feutre, et, la place, pose sur sa t te un l gant chapeau noir bords roul s, celui qu'il cachait derri re son dos. Il fait le pitre. Georges rit malgr sa douleur, surtout lorsque son fr re met le chapeau de travers, en singeant Napol on, une main gliss e dans l' chancrure de sa chemise. GEORGES DOLL Me fais pas rire... Me fait pas rire... a me fait mal. Raymond met le chapeau sur la t te de Georges, qui ne peut s'emp cher de continuer rire, malgr la douleur qui lui tiraille le ventre. RAYMOND DOLL Tiens !... Comme a, tu le verras pas. GEORGES DOLL Me fait pas rire... Oh ! Bon Dieu, j'ai mal ! Il se recouche. La m re s'approche du lit. LA M RE DOLL Et le docteur ? RAYMOND DOLL Ah oui, le docteur. Mobilis l'h pital. C'est la cause au bombardements. GEORGES DOLL Ce que j'ai besoin, c'est pas le docteur, c'est les pompes fun bres. RAYMOND DOLL T'en fais pas... Y a toujours le vieux corbillard... En le reclouant un peu. Les deux fr res rient ensemble, et Georges plus fort que Raymond. FONDU ENCHAIN CHEMIN LONGEANT RUISSEAU - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers l'endroit o elle a, la veille, d pos le cadavre de son chien, une petite binette la main. NOTE La sc ne suivante, pr sente dans la toute premi re version originale du film, a t coup e dans toutes les copies pr sent es ult rieurement. Peut- tre a-t-on estim que de montrer Paulette en train de faire danser le cadavre de son chien tait un peu trop macabre. Paulette tient son chien par les pattes de devant, pour le faire tenir debout sur les pattes arri re. La binette est pos e c t d'elle. PAULETTE Fais le beau ! Elle essaie de le faire danser, puis, tout coup, elle le laisse retomber par terre. Elle soul ve sa robe et regarde un insecte qui grimpe sur sa jambe. L'insecte s'envole et va se poser sur une fleur de liseron. Elle veut cueillir la fleur, mais tirant un peu trop fort, c'est toute une guirlande de liseron qu'elle arrache. Elle se tourne vers le chien, puis, apr s un instant d'h sitation, elle lui entoure le cou avec la guirlande de liseron. Elle le soul ve de nouveau par les pattes de devant. PAULETTE Fais le beau ! Danse ! Elle danse avec le chien en chantonnant. Puis, lass par ce jeu, elle s'arr te, repose le chien, prend la binette et commence creuser. NOTE Retour la version normale du film, telle qu'elle est pr sent e dans toutes les copies existantes. Paulette s'agenouille pr s du cadavre de son chien, pos sur l'herbe. Elle pose la binette c te du chien et le caresse d licatement. Puis elle se caresse la joue, comme elle l'avait fait apr s avoir caress la joue de sa m re d c d e. Elle d place l g rement le chien, prend la binette et commence creuser. Tout coup, elle tourne la t te, car elle vient d'entendre un bruit de sonnette. Le cur du village arrive sur sa bicyclette, et se dirige vers la rivi re, et vers Paulette. Paulette pose sa binette et ramasse son chien. Le cur descend de v lo, terminant pied, le v lo la main, le petit raidillon qui descend vers le ruisseau. Paulette met le chien derri re son dos et le maintient en place avec ses deux mains. Le cur porte son v lo pour traverser le ruisseau. Puis, arriv sur l'autre rive, il le repose et s'approche de Paulette. LE CUR Je ne te connais pas, moi ?... Tu n'es pas d'ici ? Paulette recule de fa on se plaquer le dos contre un arbre, tenant toujours, deux mains, le chien cach derri re elle. Elle regarde le cur d'un air inquiet et m fiant. Ce dernier sourit, et se penche vers Paulette, appuy sur son v lo. LE CUR Tu as perdu ta langue ? Paulette fait non de la t te. LE CUR O habites-tu ? PAULETTE Chez Monsieur Doll . Papa est mort, et maman aussi. LE CUR Pauvre enfant... Leur as-tu dis une pri re, au moins ? Paulette fait non de la t te. LE CUR Tu ne veux pas en dire une ? PAULETTE Je sais pas quoi dire. LE CUR Il faut apprendre... Mets tes mains comme ceci. Le cur joint les mains. Paulette regarde les mains du cur , mais ne bouge pas. LE CUR Non ?... Alors, r p te : Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. PAULETTE Que le Bon Dieu les re oive dans son Paradis. Le cur fait le signe de la croix. LE CUR Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Paulette r p te la phrase du cur , mais sans se signer. PAULETTE Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. LE CUR Fais comme moi. Le cur refait un signe de croix. LE CUR Tu ne veux pas ? Michel t'apprendra... Il apprend bien son cat chisme, Michel. Au nom de Michel, Paulette esquisse un sourire. Le cur s' loigne en poussant sa bicyclette. Paulette le regarde partir, tenant toujours son chien cach derri re son dos. Lorsqu'elle estime que la voix est libre, elle se d gage de l'arbre. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel s'avance travers bois, mais il ne voit pas Paulette. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette ne lui r pond pas. Elle prend son chien dans ses bras, ramasse sa binette, et s' loigne du ruisseau. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... Michel continue chercher dans la for t. MICHEL DOLL Paulette !... Paulette traverse le ruisseau et marche le long de la berge. Michel continue chercher. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - EXT RIEUR JOUR Paulette se dirige vers un vieux moulin eau d saffect , mais dont la b tisse semble encore solide. Elle entre l'int rieur du moulin. MICHEL DOLL (criant en voix off) Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette entre dans le moulin. Au fond du moulin, la grande roue, totalement immobile. Paulette cherche un endroit pour enterrer son chien. CHEMIN LONGEANT RIVI RE - EXT RIEUR JOUR Michel se dirige vers le moulin. On aper oit une autre roue, elle aussi immobile, l'ext rieur du moulin. MICHEL DOLL Paulette !... MOULIN - INT RIEUR JOUR Paulette pose son chien et commence creuser le sol en terre battue. Derri re elle, Michel entre dans le moulin. MICHEL DOLL Paulette !... Michel s'approche de Paulette. MICHEL DOLL Ah ! Dis... Qu'est-ce que tu fais l ? PAULETTE a ne te regarde pas. MICHEL DOLL Je te cherche partout... Tu fais un trou ? Elle ne lui r pond pas et continue creuser. MICHEL DOLL Ah !... C'est pour ton chien. Donne... Il cherche lui prendre la binette des mains, mais elle r siste un peu. MICHEL DOLL Donne... c'est trop dur... Elle finit par c der, et Michel se met creuser un peu plus nergiquement que Paulette. Apr s quelques coups de binette, il s'arr te de creuser et regarde Paulette. MICHEL DOLL a, c'est une id e... On va faire un beau petit cimeti re. PAULETTE Qu'est-ce que c'est qu'un cimeti re ? MICHEL DOLL C'est l qu'on met les morts pour qu'ils soient tous ensemble. PAULETTE Pourquoi on les met ensemble ? MICHEL DOLL Pour pas qu'ils s'emb tent. PAULETTE Mais alors, mon chien, il va s'emb ter, tout seul ? Michel r fl chit une seconde et hausse les paules. MICHEL DOLL Ben... oui... PAULETTE Faudra lui en trouver un autre ! MICHEL DOLL Un autre chien... a, c'est difficile. Un bruissement d'ailes fait lever la t te de Michel. Paulette regarde dans la direction o regarde Michel. Dans la charpente du moulin, un hibou, pos sur une poutre, semble observer les enfants. PAULETTE Qu'est-ce que c'est ? MICHEL DOLL C'est Monsieur le Maire. PAULETTE Pourquoi ? MICHEL DOLL C'est son nom... c'est un hibou. PAULETTE C'est m chant ? MICHEL DOLL Non, a roupille tout le temps... Tu vas voir. Michel se dirige vers une chelle qui permet d'acc der au hibou. PAULETTE Faut pas le tuer. MICHEL DOLL Penses-tu ! a serait m me pas la peine, a vit cent ans. Paulette fait une petite moue, semblant incapable de r aliser ce que repr sente cent ans. PAULETTE Cent ans !... Michel grimpe vers le hibou. Paulette d pose son chien dans le trou creus par Michel, puis commence le recouvrir de terre. Tout en travaillant, elle r cite la pri re que lui a apprise le cur . A chaque fois qu'elle dit Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit , elle fait un rapide signe de croix. MICHEL DOLL Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Que le Bon Dieu le re oive dans son Paradis. Au nom du P re, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il... Michel atteint le nid du hibou sur la poutre. On entend, de loin, Paulette qui continue psalmodier ses Que le Bon Dieu... etc. MICHEL DOLL Toi, ne bouge pas... Michel glisse la main derri re le hibou, dans son nid. Il sort une taupe morte qu'il tient par la queue. MICHEL DOLL Je t'en donnerai une autre. Michel redescend vers Paulette, en tenant la taupe par la queue. Il a maintenant atteint le bas de l' chelle. Il s'approche de Paulette, tenant toujours la taupe par la queue. Paulette continue psalmodier ses pri res tout en comblant la tombe de son chien. MICHEL DOLL J'ai une taupe !... Une belle !... Paulette se redresse et regarde la taupe. PAULETTE Il en faudra d'autres. MICHEL DOLL C'est pas ce qui manque, les taupes. La voix de Paulette se fait presque geignante lorsqu'elle dit : PAULETTE Des chats... Michel, lui, num re, sur un timbre de voix nettement plus pos : MICHEL DOLL Des h rissons, des l zards... Paulette n'est visiblement plus dans son tat normal. PAULETTE Des chevaux, des vaches... MICHEL DOLL Des serpents sonnette. PAULETTE Des lions. MICHEL DOLL Des tigres. Paulette a presque des sanglots dans la voix lorsqu'elle dit : PAULETTE Des gens !... Paulette a le souffle un peu court. Michel a l'air un peu surpris par les derniers mots de Paulette. MICHEL DOLL Si tu veux... Et puis on leur mettra des croix. Michel reprend la binette, et creuse un autre trou pour la taupe. Paulette s'est accroupie pour le regarder creuser. PAULETTE Pourquoi des croix ? MICHEL DOLL Ben dis donc !... Qu'est-ce qu'ils t'ont appris, tes parents ?... Tu vas voir. Il pose la binette, prend un morceau de bois, qu'il casse en deux, et en fait une croix, qu'il lie avec du fil de fer. MICHEL DOLL Regarde... Tiens... Regarde... L ... C'est a, une croix. Il plante la croix sur la tombe du chien. PAULETTE C'est le Bon Dieu. MICHEL DOLL Ben oui... C'est le Bon Dieu. PAULETTE Attends. Elle sort un collier de sa poche. MICHEL DOLL Il est joli, ton collier. PAULETTE Il est cass . Elle entoure la croix de son collier. Michel semble ravi. MICHEL DOLL C'est mieux. Il arrange le collier autour de la croix. PAULETTE Oui... mais il y en a une plus belle au-dessus de ton fr re. MICHEL DOLL Tu la trouves belle, toi ? Paulette fait oui de la t te. MICHEL DOLL Je t'en ferai des encore mieux, moi. Avec des clous et un marteau. D'un grand geste des bras, il d signe toute la pi ce. MICHEL DOLL Et on en foutra partout ! FONDU ENCHA N FERME DES DOLL - GRENIER - INT RIEUR JOUR Michel est assis par terre les jambes cart es. Ils cloue deux lattes de bois ensemble en forme de croix.(...TRUNCATED)
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